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Bossuet où le sommet de l’art oratoire du XVIIème siècle.

Bossuet où le sommet de l'art oratoire du XVIIème siècle.

Jacques-Bénigne Bossuet, souvent surnommé l’Aigle de Meaux, est sans aucun doute l’un des prédicateurs les plus remarquables du XVIIe siècle en France. Né en 1627 et disparu en 1704, ce théologien, orateur et écrivain a laissé une empreinte indélébile dans l’histoire de l’éloquence française. Né à Dijon dans une famille de magistrats, Bossuet est orienté vers une carrière ecclésiastique. Après des études brillantes à Dijon, puis à Paris, il est ordonné prêtre en 1652. Rapidement, il se distingue par son éloquence naturelle et sa passion pour la prédication. Sa réputation d’orateur prend de l’ampleur et lui ouvre les portes des plus grandes chaires de Paris. En 1681, il est nommé évêque de Meaux, poste qu’il occupera jusqu’à sa mort.

Le talent de Bossuet réside principalement dans sa capacité à émouvoir profondément son auditoire. Sa prédication était une expérience transformative non seulement en raison du contenu de ses discours mais aussi grâce à la force de sa présence et de sa voix. Ses oraisons funèbres, en particulier, étaient des chefs-d’œuvre d’éloquence, mêlant la théologie à une profonde humanité. Ses sermons étaient souvent accompagnés de réactions intenses de la part des auditeurs. Il n’était pas rare de voir son public fondre en larmes, transporté par l’émotion. Ces larmes, parfois de tristesse, parfois de joie, témoignaient de la puissance avec laquelle Bossuet touchait les cœurs. Son éloquence n’était pas seulement une affaire de mots bien choisis mais aussi d’une profonde compréhension des émotions humaines.

La puissance rhétorique de Jacques-Bénigne Bossuet ne repose pas uniquement sur la grâce divine. Si cette dernière joue un rôle indéniable dans son éloquence, c’est aussi sa maîtrise des techniques oratoires, inspirée des grands penseurs classiques, qui contribue à la profondeur et à l’efficacité de sa parole.

Notre orateur adopte une méthode méditative inspirée par les Exercices spirituels d’Ignace de Loyola. Cette approche, connue sous le nom de « composition de lieu », consiste à se plonger mentalement dans une scène pour en vivre pleinement chaque détail. Pour Bossuet, cela signifiait mémoriser et non simplement imaginer des événements comme, par exemple, la remise des Tables de la loi à Moïse. Cependant, il va plus loin qu’une simple méditation personnelle. Il utilise cette mémoire vive pour transmettre à son auditoire la terreur sacrée de la présence divine lors de ses prédications.

La Connexion Cicéronienne : Phantasia et Enargeia.

La technique adoptée par Bossuet trouve ses racines dans les traités oratoires de Cicéron et Quintilien. Ces auteurs parlaient de la phantasia (l’imagination de l’orateur) et de l’enargeia (la vivacité de cette imagination qui donne force au discours). En se référant à ces concepts, Bossuet s’assure que son discours ne soit pas seulement mémorable mais qu’il imprime également une impression durable dans le cœur de ses auditeurs. Cicéron, en particulier, utilisait l’expression « double impression », illustrant l’idée que ce qui est gravé dans la mémoire de l’orateur peut être plus efficacement gravé dans le cœur de l’audience. Ainsi, la « méthode de Bossuet » ne semble pas simplement être une inspiration divine mais aussi une technique rhétorique raffinée. Si l’on réfléchit bien à ce principe oratoire puissant, ce sont bien des images qu’il faut transmettre.

Les méthodes utilisées par Bossuet n’étaient pas isolées. La rhétorique du XVIIe siècle accorde une importance particulière à la capacité de l’orateur à susciter des émotions. Georges d’Abbes, dans son ouvrage Le Parfait Orateur (1648), souligne cette nécessité. Pour lui, un prédicateur doit d’abord ressentir les émotions qu’il souhaite susciter chez ses auditeurs. Cette émotion doit être cultivée à travers la méditation, l’imagination et l’exercice constant.

En voici un exemple parfait :

Bossuet, Sermon sur la mort, exorde et premier point, extrait, 1662

« Qu’est-ce donc que ma substance, ô grand Dieu ? J’entre dans la vie pour en sortir bientôt ; je viens me montrer comme les autres ; après, il faudra disparaître. Tout nous appelle à la mort : la nature, presque envieuse du bien qu’elle nous a fait, nous déclare souvent et nous fait signifier qu’elle ne peut pas nous laisser longtemps ce peu de matière qu’elle nous prête, qui ne doit pas demeurer dans les mêmes mains, et qui doit être éternellement dans le commerce: elle en a besoin pour d’autres formes, elle la redemande pour d’autres ouvrages. 

Cette recrue continuelle du genre humain, je veux dire les enfants qui naissent, à mesure qu’ils croissent et qu’ils s’ avancent, semblent nous pousser de l’épaule, et nous dire: retirez-vous, c’est maintenant notre tour. Ainsi, comme nous en voyons passer d’autres devant nous, d’autres nous verront passer, qui doivent à leurs successeurs le même spectacle. Ô Dieu ! Encore une fois, qu’est-ce que de nous ?


Si je jette la vue devant moi, quel espace infini où je ne suis pas ! Si je la retourne en arrière, quelle suite effroyable où je ne suis plus ! Et que j’occupe peu de place dans cet abîme immense du temps ! Je ne suis rien : un si petit intervalle n’est pas capable de me distinguer du néant ; on ne m’a envoyé que pour faire nombre ; encore n’avait-on que faire de moi, et la pièce n’en aurait pas été moins jouée, quand je serais demeuré derrière le théâtre. »

Nous voyons ici que Bossuet maîtrise remarquablement l’art oratoire pour évoquer la fugacité de la vie humaine. À travers des questions rhétoriques, il interpelle le lecteur, incitant à une réflexion profonde sur l’existence. En employant des métaphores, telles que celle du théâtre, il illustre la vie comme un passage éphémère. Les contrastes qu’il utilise, juxtaposant la naissance à la mort ou le passé au futur, accentuent davantage l’éphémérité de notre existence face à l’immensité du temps.

Mettons nous à l’école de ce grand seigneur de la langue et nous nous élèverons.

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