
Le 31 juillet 1993 demeure gravé dans les mémoires de la Belgique comme une journée d’immense tristesse. C’est en ce jour que le pays a reçu la nouvelle dévastatrice du décès inopiné de son cinquième souverain, le très respecté Roi Baudouin. Au sommet de sa vie, à l’âge de 62 ans, il a été emporté par un arrêt cardiaque dans sa résidence de vacances Astrida à Motril, en Espagne.
La première annonce de cette tragédie est venue de l’agence de presse EFE en Espagne. Dans la profondeur de la nuit, la triste réalité a été officialisée par le Premier ministre belge de l’époque, Jean-Luc Dehaene. Le choc a ébranlé la nation tout entière. Le Roi Baudouin était bien plus qu’un monarque pour le peuple belge. Il était le père de la nation, un guide, un symbole d’unité et de stabilité qui a gouverné avec sagesse et dévouement pendant plus de quatre décennies. Sa présence rassurante et sa gouvernance éclairée ont marqué une ère de prospérité et de paix pour la Belgique.
La réponse émotionnelle du peuple belge à la disparition de leur souverain bien-aimé a été aussi profonde que son affection pour lui. Les funérailles nationales qui ont suivi ont été marquées par un mélange de respect, de deuil et d’admiration pour un grand homme qui avait consacré sa vie à servir sa nation. Les rues de Bruxelles se sont remplies d’une marée humaine, des centaines de milliers de citoyens venant de tous les coins du pays pour rendre un dernier hommage à leur roi et père spirituel. La mort soudaine du Roi Baudouin a plongé la Belgique dans une période de deuil national. Elle a non seulement perdu son roi, mais aussi un père aimant, un guide sage et un leader dévoué. Sa mémoire perdure dans le cœur des Belges, gravée à jamais dans l’histoire de la nation qu’il a tant aimée.
La Belgique est une entité politique aux multiples facettes, une nation de parlementaires au cœur de l’Europe et c’est une monarchie. Son gouvernement se tient sur une ligne délicate et bien équilibrée entre la monarchie et la démocratie. Les règles constitutionnelles de ce pays attribuent à son roi un pouvoir que peu de souverains contemporains possèdent : le droit de refuser de donner son approbation royale à une loi. Ce pouvoir, bien qu’il soit réglementé par des contraintes constitutionnelles qui nécessitent l’approbation du gouvernement avant toute déclaration publique, place le roi dans une position de grand influence.
De plus, la capacité du roi à nommer et à révoquer des ministres, bien qu’elle nécessite l’approbation d’au moins un ministre et la confiance du parlement, lui confère un rôle central en période post-électorale et pendant les crises ministérielles. Cela a été particulièrement vrai pour le roi Baudouin qui a exercé une influence déterminante sur la suite des gouvernements pendant ses 42 ans de règne.
Au cours de son long règne, le roi Baudouin a acquis une expérience et une connaissance des affaires de l’État qui surpassaient celles de nombreux ministres des divers gouvernements de coalition qui se sont succédé. Beaucoup de ces ministres n’ont occupé leur poste que pendant quelques années, tandis que le roi Baudouin a régné pendant quatre décennies et demie. Cette longévité a ancré son rôle au sein de l’État belge, lui conférant une influence considérable sur ses ministres, jusqu’à l’habitude célèbre d' »épousseter leurs oreilles » avec son franc-parler royal.
En dépit de son rôle constitutionnel de gardien de l’unité de la Belgique, le roi Baudouin n’a pas pu échapper aux tensions entre les quatre régions linguistiques du pays et les trois communautés. Cependant, sous son règne, la Belgique a progressivement évolué pour devenir un État fédéral à travers une série de réformes constitutionnelles. Le roi Baudouin a œuvré inlassablement tout au long de sa vie pour faire reconnaître des valeurs d’humanisme et de professionnalisme, des principes qui ont contribué à définir son héritage. Sa mort soudaine a été un coup dur pour le pays, provoquant un choc émotionnel profond parmi la population, qui était beaucoup plus intense et aigu que ce à quoi on aurait pu s’attendre, tant en Belgique qu’à l’étranger. Les hommages qui lui ont été rendus n’étaient pas simplement adressés à l’homme mais à la réputation d’intégrité et de dévouement qu’il avait forgée. Les funérailles ont revêtu une importance particulière, cristallisant les sentiments de gratitude du peuple belge envers leur roi et rappelant le décès d’un héros de l’Antiquité. L’idée qui prévaut ici, c’est le caractère exceptionnel de la mort d’un roi contemporain. Sa mort n’était pas simplement ressentie comme une fatalité inhérente à la vie humaine, mais plutôt comme un événement qui a suscité une forme de transcendance ou de sublimation au sein de la population. Le roi Baudouin a laissé un héritage durable et sa mort a servi à cimenter encore plus sa place dans l’histoire de la Belgique.
Rappelons que le roi Baudouin était un homme de foi profonde, un catholique dévoué qui tenait fermement aux valeurs morales qu’il croyait justes. L’un de ces principes sacrés pour lui était la sacralité de la vie humaine, ce qui le conduisit à une opposition franche et inflexible à la libéralisation de l’avortement. L’empreinte de sa conscience morale sur son règne était telle que, lorsque la loi autorisant l’avortement fut finalement adoptée, il choisit d’abandonner son trône pendant un jour plutôt que de signer une loi à laquelle il s’opposait si fermement.
Par une ironie amère de l’histoire, voire une métaphore de l’histoire elle-même, la mort de Baudouin coïncide avec l’année où la Belgique est devenue fédérale, marquant la fin de son unité centralisée. Ce n’était pas seulement une transformation politique mais aussi un déchirement du cœur même de la nation. Pour Baudouin, la Belgique n’était pas seulement un royaume dont il était le monarque mais aussi une communauté d’âmes qu’il chérissait profondément. Lorsque ce tissu social a commencé à se déchirer, à se diviser en des entités autonomes distinctes, on peut imaginer que le cœur du roi a été profondément touché.
Lorsque la Belgique, cette nation qui résidait si profondément dans son cœur, a commencé à se décomposer, le cœur de Baudouin, par un tragique coup du destin, a cessé de battre. Son décès soudain et inattendu a laissé une blessure dans le cœur de la nation, un vide que seule la mémoire de son amour profond et de son dévouement pour la Belgique peut commencer à combler. Son souvenir reste comme un phare de vertu et de foi, une lueur d’espoir pour tous ceux qui aspirent à une nation unie, même face à l’inévitable et délétère évolution du temps et de la politique.
La vie de ce Roi exceptionnel doit faire la fierté des Belges et ferait bien d’ inspirer son gouvernement actuel ainsi que tous les gouvernements européens.