fb_pixel

Enrico Zoffoli, le lanceur d’alertes de la philosophie.

Chers amis, en ce jour, je voudrais faire hommage à un grand philosophe et théologien du XXème siècle : le Père Enrico Zoffoli. Trop oublié, pas assez cité, il me semble nécessaire d’écrire à son sujet afin de faire revivre quelque peu sa mémoire. Né le 3 septembre 1915 à Marino, dans la province de Rome, Enrico Zoffoli a grandi dans une Italie en proie aux changements politiques et sociaux qui ont marqué l’entre-deux-guerres. Sa vocation religieuse a pris racine dès son jeune âge et en particulier lors d’une retraite effectuée en 1929 chez les passionistes de Moricone, où son oncle, le P. Volpi, était religieux.

Entré au noviciat des passionistes en 1931, il a suivi un parcours ecclésiastique exemplaire qui l’a conduit à l’ordination sacerdotale le 29 avril 1939. Mais c’est dans le domaine de la philosophie et de la théologie que le Père Zoffoli a laissé une empreinte indélébile. Son parcours académique l’a mené à obtenir un doctorat en philosophie, puis à enseigner à l’Accademia di san Tommaso d’Aquino et à l’Université pontificale du Latran à Rome de 1959 à 1969.

Auteur prolifique, il a exploré divers domaines de la pensée chrétienne, de la philosophie, de l’histoire et de la spiritualité. Sa fascination pour la vie et la spiritualité de saint Paul de la Croix, fondateur des passionistes, l’a conduit à rédiger une étude monumentale en trois volumes, « S. Paolo della Croce, storia critica » (St Paul de la Croix, histoire critique), bien que cet ouvrage n’ait pas été traduit en français. Il est également l’auteur du « Dictionnaire du christianisme » publié en 1992, qui a reçu des éloges dans l’Osservatore Romano du 16 avril 1993.

La pensée de Zoffoli a été fortement influencée par saint Thomas d’Aquin et sainte Thérèse de Lisieux, donnant à son œuvre une profondeur théologique et une rigueur philosophique. Dans les dernières années de sa vie, il s’est intéressé au mystère eucharistique, un thème central de la doctrine chrétienne.

Mais c’est sans doute sa critique acerbe du mouvement néocatécuménal qui a marqué les esprits. Zoffoli a manifesté clairement son opinion négative sur les doctrines prêchées par le mouvement néocatécuménal à travers la publication d’une œuvre critique intitulée « Hérésies du mouvement néocatécuménal ». Dans cette critique, il a mis en lumière ce qu’il considérait comme des erreurs fondamentales dans les dogmes du mouvement, qui, selon lui, allaient à l’encontre des enseignements fondamentaux de l’Église catholique, des papes et des conciles. Il n’a pas hésité à accuser le mouvement néocatécuménal d’hérésie, soulignant que bien que le mouvement prétendait s’opposer à la « déchristianisation » du monde contemporain, il visait en réalité à « saper le christianisme ».

Selon lui, le mouvement opérait sans statuts officiels clairs ni textes normatifs facilement accessibles. La documentation sur les orientations données aux catéchistes du mouvement était gardée secrète, avec des recommandations faites aux membres de garder le silence sur les véritables objectifs du mouvement. Il a noté que cette nature secrète était indicative d’un programme réel connu seulement d’un petit nombre de personnes, tandis que la majorité était trompée, conduisant à de graves déviations doctrinales et pratiques. Le Père Zoffoli était également critique envers l’approbation papale du mouvement, indiquant que cela pouvait conduire à la répression des voix dissidentes au sein de l’Église qui tentaient de tirer la sonnette d’alarme sur les hérésies perçues dans le mouvement néocatécuménal. Sa critique s’inscrivait dans un contexte plus large d’inquiétude au sein de certains secteurs de l’Église catholique concernant les mouvements ecclésiaux et leur conformité aux enseignements et traditions doctrinales de l’Église. Enrico Zoffoli a donc utilisé sa vaste érudition pour défendre les dogmes traditionnels de l’Église catholique et pour critiquer les mouvements qu’il estimait déviants de la doctrine orthodoxe. Sa voix, bien que pas assez reconnue, reste un témoignage précieux de la fidélité à la tradition et de l’exigence intellectuelle dans le dialogue théologique.

Il me semble que la figure du Père Zoffoli demeure un symbole éloquent de l’engagement en faveur de la vérité et de la rigueur intellectuelle dans le débat religieux et invite à une réflexion renouvelée sur les enjeux du respect de la Tradition dans l’Église catholique contemporaine. Ses œuvres, bien que non traduites en grande partie, méritent une attention renouvelée et une étude approfondie pour mieux comprendre les tensions et les défis qui ont marqué le catholicisme au XXème siècle. De nos jours, on souhaiterait plus de philosophes et de théologiens de cette trempe !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *