
Eratosthène, né vers 276 av. J.-C. à Cyrène et décédé en 194 av. J.-C. à Alexandrie, demeure l’une des figures majeures de l’Antiquité grâce à sa curiosité intellectuelle et ses contributions variées. Originaire de la cité grecque de Cyrène, dans l’actuelle Libye, il a reçu son éducation à Athènes, le berceau de la pensée grecque. Son érudition l’a mené à une position de prestige : bibliothécaire en chef à la grande Bibliothèque d’Alexandrie, l’une des plus renommées de l’Antiquité. Eratosthène n’était pas seulement un géographe : il a écrit sur de nombreux sujets, de la philosophie à la poésie, et a conçu un calendrier incluant une année bissextile. Il a également établi une chronologie des principaux événements depuis le siège de Troie. Bibliothécaire, géographe, historien et astronome, cet esprit supérieur fait encore l’ objet de nombreuses recherches universitaires.
Il est remarquable de constater à quel point Ératosthène est parvenu à mesurer la circonférence de notre planète en utilisant des méthodes techniques antiques.
Selon les penseurs grecs, il est évident que la Terre est une sphère : il s’ agit là d’ une affirmation soutenue par des philosophes tels que Platon et Aristote bien avant Ératosthène. Cependant, c’est ce dernier qui a transformé cette assertion en une véritable mesure scientifique. Son point de départ ? Deux villes, Syène et Alexandrie, et le comportement de l’ombre du soleil pendant le solstice d’été.

À Syène, Ératosthène nota l’absence d’ombre à midi solaire lorsqu’un bâton était verticalement planté dans le sol, indiquant que le Soleil était directement à la verticale de celui-ci, soit au zénit. Par contre, à Alexandrie, une ombre était clairement visible. Par la simple observation, il mesura que l’angle formé entre les rayons du Soleil et le bâton vertical était d’environ 7,2 degrés. Maintenant, voici où la vraie astuce intervient. Connaissant la distance entre Syène et Alexandrie (environ 5000 stades), et en extrapolant cet angle de 7,2 degrés (qui est 1/50e de 360 degrés), Ératosthène a postulé que si cette distance correspond à 7,2 degrés de la circonférence de la Terre, alors la circonférence totale serait de 250 000 stades. Mais que vaut un stade en unités modernes? Bien que l’exactitude de cette ancienne unité de mesure soit discutée, on estime que le stade utilisé par Ératosthène équivalait à environ 157,5 mètres, ce qui est la longueur du stade égyptien. Ce qui, lorsque multiplié par 250 000, donne une circonférence de la Terre d’environ 39 375 km – une valeur impressionnante de précision compte tenu des instruments rudimentaires à sa disposition. Ainsi, grâce à des observations précises, à la géométrie et à une logique implacable, Ératosthène a façonné un calcul d’une précision stupéfiante avec les outils antiques de son époque. Un rappel éloquent de la puissance de l’observation minutieuse et de la pensée critique.
Ératosthène, comme beaucoup de ses contemporains, était convaincu de l’ordre inhérent de l’univers. En observant les ombres à Syène et Alexandrie, il ne voyait pas un simple phénomène isolé mais une manifestation d’un ordre cosmique qu’il pouvait décoder. À l’instar de la vision grecque de la géométrisation du cosmos, il a appliqué une méthode géométrique pour déduire la circonférence de la Terre. En utilisant les ombres et en connaissant la distance entre deux points, il a pu établir une relation proportionnelle et extrapoler la taille de la Terre entière. Sa démarche s’appuie donc sur la conviction grecque que la nature est rationnelle et compréhensible. En l’absence de technologies avancées, il s’est appuyé sur la logique, la déduction et une approche systématique, traits caractéristiques de la pensée grecque.
Sources :
Eratosthenes’ « Geography » – Duane W. Roller, Princeton University Press, 2010.
Thierry Crouzet, Ératosthène, L’Âge d’Homme, 2014.