
Je souhaite vous présenter aujourd’hui la figure illustre d’un Français oublié : Jean-Baptiste Falcon. En parcourant les méandres de l’histoire de la technologie, on découvre souvent des personnages qui, malgré la portée révolutionnaire de leurs contributions, demeurent hélas dans l’ombre des annales historiques. Falcon est précisément l’un de ces génie français silencieux dont l’innovation a jeté les bases de ce qui deviendra, des siècles plus tard, l’informatique moderne.
Originaire de Lyon, ce soyeux du XVIIIe siècle est devenu le pionnier d’une invention qui pourrait sembler anodine à première vue : la carte perforée. Toutefois, en examinant de plus près son travail et son héritage, on réalise que cette invention a bouleversé notre compréhension de la programmation, de l’automatisation et, ultimement, du codage. Avant Falcon, Basile Bouchon avait déjà esquissé l’idée d’utiliser des rubans perforés pour automatiser les métiers à tisser. Cependant, c’est Falcon qui, en 1728, remplace ces rubans fragiles par des cartes perforées plus robustes et résistantes. Ces cartes, véritables prédécesseurs du code binaire moderne, portaient en elles des instructions qui étaient lues par les machines, déterminant ainsi le motif et la structure du tissu à produire.
En introduisant cette méthode d’automatisation, Jean-Baptiste Falcon ne se contentait pas de révolutionner le monde du tissage. Sans le savoir, il jetait les bases de la programmation informatique. En effet, la logique derrière ces cartes perforées ressemble étonnamment à la façon dont les ordinateurs contemporains interprètent le code binaire : un trou (ou son absence) dans la carte correspond à un 1 ou un 0 dans notre code numérique. Le génie de Falcon ne s’arrêtait pas là. En reliant ces cartes entre elles, il introduisait la notion de séquence d’instructions. Cette idée, si familière à tout programmeur d’aujourd’hui, était une innovation majeure à son époque.
Ce qui est remarquable, c’est que, plus de deux siècles avant l’arrivée de l’informatique moderne, des dispositifs tels que les orgues de Barbarie et les pianos mécaniques utilisaient déjà cette technologie basée sur des cartes perforées. Ces systèmes, malgré leur nature mécanique et leur absence d’électronique, étaient en réalité des précurseurs des machines informatiques que nous connaissons aujourd’hui.
Dans la vidéo présente ci-dessous, vous pourrez aisément remarquer le jeu des cartes perforées qui déterminent et programment les motifs qui apparaîtront dans la dentelle en cours de tissage.
Au dix-neuvième siècle, Charles Babbage, souvent qualifié de « père de l’informatique », a lui-même été influencé par cette technologie en intégrant les principes des cartes perforées dans ses machines analytiques. Cela souligne l’importance fondamentale de la contribution de Falcon à l’évolution technologique. Durant les premières années de la décennie 1960, les écrans d’ordinateurs opérant en « mode texte » affichaient 80 caractères par ligne, une norme établie pour assurer la compatibilité avec les cartes perforées. Même de nos jours, bon nombre de nos systèmes informatiques s’appuient sur des logiciels qui trouvent leurs origines dans cette ère, et qui traitent des données structurées en segments de 80 caractères. On voit donc ici des structures de continuité au sein des différentes révolutions technologiques.
Avec l’émergence des supports de stockage à bande magnétique et des disquettes flexibles de 8 pouces vers 1970, l’ère des cartes perforées a commencé à s’estomper. Néanmoins, en France, ces cartes ont maintenu leur pertinence jusqu’en 1985, notamment pour les transactions aux péages autoroutiers !
Même s’il travaillait dans le contexte des métiers à tisser du XVIIIe siècle, Falcon doit être considéré comme l’un des premiers programmeurs de l’histoire. Son héritage est un témoignage solide de l’impact durable que peut avoir un esprit innovant.