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Johannes Ockeghem : le père spirituel de Josquin Des Prés.

Johannes Ockeghem - le père spirituel de Josquin Des Prés.

Johannes Ockeghem, né vers 1420 à Saint-Ghislain, près de Mons en Hainaut, et mort le 6 février 1497 à Tours, France, est un compositeur franco-flamand du XVe siècle. Il est considéré comme le chef de file de la génération de compositeurs qui se situe entre Guillaume Dufay et Josquin des Prés, deux autres figures marquantes de la musique de la Renaissance.

Ockeghem a eu une carrière musicale remarquable, marquée par une grande variété d’œuvres, dont des messes, des motets et des chansons. Son influence sur la musique de son époque est indéniable. Il a non seulement contribué à l’évolution de la musique sacrée et profane mais a également joué un rôle déterminant dans le développement de techniques musicales complexes comme l’utilisation de la polyphonie et du cantus firmus.

L’influence d’Ockeghem ne se limite pas à son époque. Son héritage musical a perduré à travers les siècles, déterminant les générations de compositeurs qui ont suivi, en particulier l’ oeuvre de son élève Josquin Des Prés auquel notre précédent article au sein de cette rubrique était consacré. Aujourd’hui, sa musique est toujours appréciée pour sa complexité technique et sa profonde expressivité. Les œuvres d’Ockeghem sont régulièrement interprétées par des ensembles de musique ancienne et figurent au programme de nombreux festivals de musique de la Renaissance.

Le Requiem de Johannes Ockeghem est une œuvre d’une importance historique considérable. Il s’agit du premier exemple connu de requiem polyphonique, une forme musicale qui met en œuvre plusieurs voix mélodiques indépendantes. Le Requiem d’Ockeghem a probablement été composé en 1461 à la mort de Charles VII, ou en 1483 pour Louis XI. Malheureusement, un autre Requiem, celui de Guillaume Dufay, qui était très probablement antérieur, a été perdu. Celui-ci se distingue par sa complexité et sa profondeur émotionnelle. Il utilise la polyphonie pour créer une texture musicale riche et variée tout en exprimant la solennité et le deuil associés à la liturgie des défunts. Malgré sa complexité technique, la musique d’Ockeghem ne perd jamais de vue l’objectif expressif de l’œuvre, ce qui en fait une pièce d’une grande beauté et d’une grande puissance émotionnelle.

Une autre œuvre remarquable d’Ockeghem est la Missa cuiusvis toni, ou « Messe dans tous les tons ». Cette œuvre est unique en ce sens qu’elle peut être lue dans les quatre tons ecclésiastiques : protus (mode de ré), deuterus (mode de mi), tritus (mode de fa) et tetrardus (mode de sol). Au lieu de la clef habituelle, qui indique un son fixe, Ockeghem place en début de portée un signe de congruence qui permet au chanteur de placer la finale du ton dans la portée c’est-à-dire la note sur laquelle le ton doit s’achever. Cette technique permet à la même notation d’être lue dans quatre échelles différentes, avec une disposition différente des demi-tons. Le résultat est une œuvre qui peut être interprétée de quatre manières différentes, chacune ayant un son unique. C’est un exploit technique impressionnant qui témoigne de la maîtrise d’Ockeghem des techniques musicales de son époque. Malgré sa complexité, la Missa cuiusvis toni est également une œuvre d’une grande beauté, qui illustre parfaitement la capacité d’Ockeghem à allier virtuosité technique et expressivité musicale.

La Missa prolationum, ou « Messe des prolations », est une autre œuvre sublime de Johannes Ockeghem. Cette messe est un exploit technique impressionnant qui met en jeu différentes mesures en usage au XVe siècle afin de créer des canons. Rappelons qu’ un canon est une forme musicale où une mélodie est imitée note pour note dans une autre voix, à une certaine distance temporelle.

Dans le manuscrit de la Missa prolationum, une seule voix est copiée, mais elle est chantée par deux chanteurs à des vitesses différentes. Pour obtenir une polyphonie à quatre voix, le manuscrit ne comporte donc que deux parties. Cela crée une complexité rythmique fascinante avec des voix qui se croisent et se superposent de manière complexe. Pour ajouter à cette complexité rythmique, Ockeghem emploie dans ses canons tous les intervalles possibles : à l’unisson, à la tierce, à la quarte, à la quinte, à la sixte, à la septième et à l’octave. Cette architecture sonore ajoute une autre couche de complexité à l’œuvre, car chaque voix doit être parfaitement en phase avec les autres, malgré les différences de vitesse et d’intervalle. Les chanteurs doivent aussi ajouter la musica ficta, qui désigne les altérations accidentelles le plus souvent non écrites à l’époque. Certains passages de cette messe sont particulièrement complexes à cet égard, nécessitant une grande habileté et une connaissance approfondie de la théorie musicale.

Malgré sa complexité technique, la Missa prolationum illustre parfaitement la capacité d’Ockeghem à combiner virtuosité technique et profondeur émotionnelle, créant une musique qui est à la fois intellectuellement stimulante et émotionnellement profonde.

Josquin des Prés, qui a commencé sa carrière après Ockeghem, a été influencé par ces innovations. Il a repris et développé les techniques de composition d’Ockeghem, en les intégrant dans son propre style musical. Par exemple, Josquin a utilisé la polyphonie de manière encore plus complexe et expressive, créant des œuvres techniquement impressionnantes et émotionnellement intense. Josquin a également été influencé par l’approche d’Ockeghem en matière de structure musicale. Ockeghem était connu pour ses messes cycliques, où toutes les parties de la messe sont liées par un thème musical commun. Josquin a repris cette idée dans certaines de ses propres œuvres, créant des messes et des motets qui sont unifiés par un thème musical ou textuel commun. Ce même Josquin sera l’ inspirateur du géant Palestrina. Ainsi, nous voyons et entendons que rien ne se crée à partir de rien et que les plus grands génies n’ adviennent que dès lors qu’ ils se situent dans une tradition.

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