
Naître, vivre et mourir sont les trois étapes existentielles qui structurent notre passage éphémère sur terre. Naître et mourir sont deux actes que nous accomplissons sans effort conscient car ils sont inextricablement liés à la nature même de notre existence. Vivre, en revanche, exige une intention, une volonté et, surtout, une navigation prudente dans le dédale de la société humaine. Une navigation facilitée, notons-le, par une boussole essentielle : les règles de bienséance et la politesse qui devraient être cultivées avec la plus grande constance.
Chaque problème qui se présente au cours de notre bref passage sur cette terre possède une solution et chaque obstacle renferme en son sein un potentiel d’apprentissage. En effet, chaque difficulté de la vie peut être surmontée par l’application judicieuse de règles et de principes sociaux.
Les principes de la bienséance moderne sont souvent mal compris, réduits à une série de contraintes formelles et superficielles. Pourtant, ils constituent la trame qui tisse notre tissu social. Ces règles, ces codes, ces attentes, sont bien plus que de simples politesses – elles sont le langage qui facilite notre coexistence, le moyen par lequel nous apprenons à respecter et à tenir compte de l’autre dans nos interactions. Contrôler ses peines, juger de l’importance de son chagrin, évaluer la juste part qu’on leur accorde, sont des tâches qui peuvent sembler artificielles, voire contraignantes. Néanmoins, elles traduisent un besoin profond de maintenir l’équilibre, de préserver un espace de sérénité personnelle tout en naviguant dans les eaux parfois agitées de la vie sociale. Ce n’est pas tant un appel à l’émotion contrôlée qu’une reconnaissance de l’importance de la gestion de nos réactions émotionnelles non seulement pour notre propre bien-être mais encore pour la santé de la communauté humaine dans son ensemble. Parce que oui, vivre, c’est apprendre à tenir son rang, à respecter les codes qui régissent l’existence. Mais c’est aussi reconnaître que ces codes ne sont pas là pour nous entraver mais pour nous guider vers des interactions plus respectueuses, plus empathiques et, finalement, plus humaines.
Nous sommes donc invités à célébrer la bienséance moderne et la politesse, non comme des chaînes restrictives, mais comme des outils qui favorisent la cohésion, l’harmonie et le respect mutuel. Par leur intermédiaire, nous apprenons à traiter les problèmes de la vie avec élégance et grâce, à transformer les obstacles en opportunités et à faire de notre existence un véritable art de vivre. Cependant, il est nécessaire de prendre en considération une réalité dérangeante, voire inquiétante, qui semble affecter notre époque contemporaine : la bienséance et la politesse semblent être en déclin, peut-être même en voie de disparition. Le rôle de ces deux piliers dans la navigation de la complexité de la vie humaine semble de moins en moins valorisé dans notre société moderne.
Dans une ère dominée par l’immédiateté des communications et le culte de l’individualité, l’art de la bienséance est souvent relégué au second plan. L’importance de la patience, de l’écoute et du respect de l’autre, autrefois pierres angulaires de notre comportement social, est souvent bafouée au profit d’une réaction rapide et d’une expression non filtrée de l’individualité. Cette tendance, même si elle peut être valorisée pour son authenticité, peut aussi engendrer des situations où le respect et la considération pour autrui sont négligés. La politesse, jadis considérée comme un signe de respect et de reconnaissance de la dignité d’autrui, semble être de plus en plus perçue comme un rituel dépassé et sans valeur. L’empathie et la courtoisie, autrefois valeurs fondamentales de la bienséance, sont parfois considérées comme des signes de faiblesse ou même de duplicité au sein de notre monde actuel.
Ce déclin de la bienséance moderne pourrait être attribué à plusieurs facteurs. La société moderne, avec son rythme effréné et son accent sur l’efficacité, peut rendre difficile l’observation des subtilités de la politesse et de la bienséance. En outre, l’avènement de la technologie, malgré ses nombreux avantages, a également introduit une nouvelle forme d’interaction qui, souvent, ne favorise pas l’expression de la courtoisie et du respect. N’ oublions pas non plus de citer la décadence de l’ enseignement officiel et la disparition de tout sentiment religieux bien compris. Vox clamantis in deserto ! Parfois l’ homme bien éduqué est moqué dans un espace social dont les membres semblent retourner à la barbarie.
Voici donc un appel à l’action, un cri d’alarme pour la réhabilitation de la bienséance et de la politesse. Non pas pour revenir à un âge d’or idéalisé mais pour réaffirmer leur rôle crucial dans le maintien d’une coexistence respectueuse et harmonieuse. Pour que notre société moderne, avec toute sa complexité et sa diversité, ne devienne pas une cacophonie d’individualités isolées et violentes mais reste une symphonie de voix harmonieusement intégrées.