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La conception politique de Thomas d’Aquin : une anthropologie naturaliste

La conception politique de Thomas d'Aquin - une anthropologie naturaliste

Aristote a eu une influence significative sur la pensée politique de Thomas d’Aquin comme en témoignent les nombreux commentaires de Thomas sur les œuvres d’Aristote, y compris son livre dédié à la politique, où « Politique ». Cette influence est particulièrement évidente dans la manière dont Thomas conçoit la nature sociale de l’homme et la place de la communauté dans la vie humaine. En effet, Aristote a affirmé que l’homme est par nature un « animal politique » c’est-à-dire un être qui est naturellement incliné à vivre en communauté avec d’autres. Cette idée est reprise par le grand Docteur qui soutient que l’homme a un « élan naturel à la vie sociale ». Pour Thomas, comme pour Aristote, la vie en société n’est pas simplement une question de commodité ou de nécessité mais une partie essentielle de ce qui fait de nous des êtres humains.

De plus, Thomas adopte l’idée aristotélicienne que la politique est une activité rationnelle qui vise le bien commun. Selon Aristote, la cité, ou la communauté politique, existe pour le bien de la vie « bonne », c’est-à-dire une vie qui est vécue conformément à la vertu. Thomas reprend cette idée en affirmant que la cité poursuit un « certain bien » et, plus encore, elle recherche le « meilleur des biens humains ». Notre théologien est également influencé par la vision aristotélicienne de la justice qui comprend à la fois la justice distributive, qui concerne la répartition équitable des biens de la communauté, et la justice corrective qui concerne la rectification des torts. Pour Thomas, comme pour Aristote, la justice est une vertu essentielle pour la vie en communauté et la poursuite du bien commun. La notion du bien commun par rapport au bien individuel est aussi un thème central dans la pensée politique de Thomas d’Aquin : elle reflète son engagement envers une vision de la société qui valorise la communauté et le bien-être collectif. Pour lui, le bien commun est supérieur au bien individuel, une idée qui découle de sa compréhension de la nature sociale de l’homme et de la finalité de la communauté politique.

Thomas soutient que chaque individu est une partie organique du tout que constitue la société. Dans cette perspective, le bien commun n’est pas simplement la somme des biens individuels mais un bien qui transcende et englobe les biens individuels. Il est le bien de la communauté en tant que telle et non simplement le bien de ses membres individuels. Mais encore le bien commun est « plus divin » que le bien individuel. Cette affirmation reflète sa conviction que le bien commun est plus proche de la finalité ultime de l’homme, qui est la béatitude ou la participation à la vie divine. Le bien commun, en tant que bien de la communauté, est un reflet de l’unité et de l’harmonie qui caractérisent la vie divine. Cependant, cela ne signifie pas que Thomas néglige ou minimise l’importance du bien individuel. Au contraire, il reconnaît que le bien individuel est une partie essentielle du bien commun. Chaque individu, en tant que membre de la communauté, a le droit de participer au bien commun et a le devoir de contribuer à sa réalisation. Le théologien affirme que la poursuite du bien commun doit être guidée par la justice qui assure une distribution équitable des biens de la communauté. La justice exige que le bien commun ne soit pas sacrifié au profit du bien d’un seul individu mais qu’il soit recherché et promu pour le bien de tous. On voit donc clairement que la pensée politique de Thomas d’Aquin met en évidence une hiérarchie des biens qui privilégie le bien commun sur le bien individuel. Cette hiérarchie reflète sa vision de la société en tant que communauté orientée vers la réalisation du bien commun, dans laquelle chaque individu a un rôle à jouer et une contribution à apporter.

Thomas d’Aquin a vécu au XIIIe siècle, une époque où la démocratie telle que nous la connaissons aujourd’hui n’existait pas. Cependant, il a écrit sur différentes formes de gouvernement dans le contexte de sa philosophie politique et, par conséquent, ses idées peuvent nous donner une certaine idée de sa conception de la démocratie.

Dans son œuvre, Thomas d’Aquin reprend la typologie des régimes politiques d’Aristote, qui distingue trois formes de gouvernement légitime : la monarchie (le pouvoir d’un seul), l’aristocratie (le pouvoir des meilleurs) et la politie (le pouvoir du peuple, qui est proche de ce que nous appelons aujourd’hui la démocratie). Chacun de ces régimes peut se corrompre et devenir une tyrannie, une oligarchie ou une démocratie dévoyée, respectivement. Thomas d’Aquin considère que la monarchie est la meilleure forme de gouvernement en théorie car elle permet une unité de direction et une prise de décision efficace. Cependant, il reconnaît aussi que la monarchie est susceptible de dégénérer en tyrannie, qui est la pire forme de gouvernement.

En ce qui concerne la démocratie, Thomas d’Aquin a une vision nuancée. D’une part, il reconnaît la valeur de la participation du peuple au gouvernement, qui est un aspect central de la démocratie. D’autre part, il met en garde contre les dangers de la démocratie dévoyée où la majorité opprime la minorité et où les intérêts privés l’emportent sur le bien commun. Quel visionnaire ! In fine, il préconise une forme de gouvernement mixte qui combine des éléments de la monarchie, de l’aristocratie et de la démocratie. Il soutient que le pouvoir doit être partagé entre différents groupes et niveaux de la société afin de prévenir les abus de pouvoir et de promouvoir le bien commun. Quelle actualité dans cette pensée vieille de sept siècles !

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