
Le 30 juin 1988, un événement d’une ampleur inégalée dans l’histoire de l’Église catholique du XXe siècle se déroule dans la petite ville d’Écône, en Suisse. Ce jour-là, Monseigneur Marcel Lefebvre (1905-1991), fondateur de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X (FSSPX), procède aux sacres épiscopaux de quatre évêques sans l’autorisation pontificale, un acte qui sera d’une importance capitale pour la défense de la tradition catholique.
La seconde moitié du XXe siècle fut pour l’Église catholique une période de profonds bouleversements. Le Concile Vatican II, qui s’est tenu de 1962 à 1965, a introduit une série de réformes qui, bien qu’elles aient été envisagées comme des mesures d’ouverture et de modernisation, ont été perçues par un très grand nombre de catholiques comme une rupture avec la tradition séculaire de l’Église. Le sentiment de malaise et de tension qui en résulte est le ferment des événements qui allaient suivre.
Parmi ceux qui ressentaient ce malaise, un brillant ecclésiastique se démarquait par son expérience, son érudition et sa détermination : Marcel Lefebvre. Né en 1905 dans le nord de la France, Marcel Lefebvre avait consacré sa vie à l’Église. Après son ordination en 1929, il avait servi en tant que missionnaire en Afrique où il était devenu une figure de proue de l’Église missionnaire et s’ était distingué comme un grand serviteur du Pape Pie XII qui l’ éleva à l’ épiscopat. Lors du Concile Vatican II, en sa qualité de Père conciliaire, il organisa légitimement la résistance face aux courants libéraux et modernistes qui se déchaînaient au sein de l’ aula concilaire. De grandes figures de la Curie Romaines tels les cardinaux Ottaviani et Bacci le soutinrent ainsi que son cher ami Monseigneur De Castro Mayer pour n’ en citer qu’ un seul. En 1970, face aux changements qui se déroulaient dans l’Église, il avait fondé la FSSPX pour maintenir et défendre la tradition catholique notamment en formant des prêtres selon le rite latin traditionnel et en adhérant aux enseignements préconciliaires.
Ces trois facettes – le sacre de 1988, le contexte du Concile Vatican II et la figure de Lefebvre lui-même – forment un triptyque qui donne un aperçu de l’importance de cet événement. Il est crucial de comprendre ces éléments pour saisir pleinement la portée et le sens du choix courageux de Lefebvre de procéder aux sacres.
Dans le contexte postconciliaire de l’Église catholique, la décision de Monseigneur Marcel Lefebvre de procéder aux sacres épiscopaux sans l’aval du Saint-Siège ne fut pas une démarche impulsivement prise. C’est au contraire le fruit d’un discernement mûri dans le creuset d’un engagement inébranlable pour la préservation de la tradition de l’Église. Cette décision n’était pas sans risque et Monseigneur Lefebvre en était parfaitement conscient. Pourtant, face à ce qu’il percevait comme une crise sans précédent de l’Église, il a fait preuve d’un courage rarement égalé. Dans la lettre ouverte aux catholiques perplexes qu’il a écrite en 1985, Monseigneur Lefebvre expliquait : « On me dira que je divise l’Église. Et que je fonde une église parallèle. Ce n’est pas moi qui divise l’Église. Ce n’est pas moi qui fonde une église parallèle. Je continue l’Église de toujours, l’Église de tous les temps ». Ainsi, il affirmait avec force sa conviction que son action visait à préserver, et non à diviser, l’Église, et ce, en maintenant la continuité de l’ Eglise.
Pour les membres de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X et pour de nombreux fidèles à travers le monde, les sacres du 30 juin 1988 ont été perçus non pas comme un acte de rébellion mais comme une manifestation de courage et de fidélité à la tradition catholique. Ils ont vu dans l’action de Lefebvre une volonté de maintenir vivant l’héritage spirituel et liturgique de l’Église menacé par les réformes post-conciliaires. D’ ailleurs, plusieurs cardinaux de la Curie romaine jugère que l’ acte posé par Monseigneur Lefebvre n’ était en rien schismatique.
Malgré la sanction canonique qui s’est ensuivie, la FSSPX a continué de prospérer, nourrie par la détermination de ses membres à maintenir la vision de son sage fondateur. Aujourd’hui, elle compte des centaines de prêtres à travers le monde et ses séminaires internationaux continuent de former de nouveaux prêtres selon le rite latin traditionnel.
Le courage de Monseigneur Lefebvre et sa décision audacieuse de procéder aux sacres malgré l’opposition du Saint-Siège resteront gravés dans l’histoire de l’Église catholique. Pour beaucoup, ils constituent une preuve indéniable de l’importance de la fidélité à la tradition, même en face des défis les plus grands. L’ Histoire donna raison à Monseigneur Lefebvre puisque le Souverain Pontife Benoit XVI leva en 2009 les censures canoniques qui avaient frappés les évèques que le fondateur d’Ecône consacra en 1988.
L’impact des sacres du 30 juin 1988 ne s’est pas limité à sauvegarder un héritage sans l’ altérer. Loin d’affaiblir la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X (FSSPX), cet événement a plutôt renforcé sa détermination à défendre la tradition catholique et a été un tournant décisif dans son développement.
En effet, depuis les sacres, la FSSPX a connu une croissance assez importante, passant de quelques dizaines de prêtres en 1970 à plusieurs centaines aujourd’hui, répartis sur tous les continents. Les séminaires de la Fraternité continuent d’attirer de nombreux jeunes désireux de servir Dieu et l’Église dans la fidélité à la tradition. Malgré les obstacles, la FSSPX est devenue un phare pour tous ceux qui cherchent à vivre leur foi dans la continuité de la tradition bimillénaire de l’Église. Et, contrairement à l’ Eglise conciliaire qui n’a de cesse que de s’ effondrer sur elle-même et de se perdre dans de stériles débats, l’ oeuvre de Monseigneur Lefebvre s’ étend, se consolide et occupe le terrain laissé par la faiblesse et l’ agonie des progressistes.
Plus encore, les sacres du 30 juin 1988 ont constitué une affirmation audacieuse et indélébile de la tradition catholique. Dans un contexte où de nombreux fidèles se sentaient désorientés par les changements post-conciliaires, l’acte de Monseigneur Lefebvre a envoyé un message clair : la tradition de l’Église, transmise de génération en génération, ne peut être abandonnée sans trahir l’essence même de la foi catholique. Ce message a trouvé un écho chez de nombreux catholiques, qui ont vu dans les sacres un acte de courage prophétique face à une crise qui menaçait l’identité même de l’Église. Pour ces fidèles, les sacres ont été un signe d’espérance et la preuve que la tradition de l’Église pouvait être préservée et transmise malgré les défis du monde moderne.
Les sacres épiscopaux du 30 juin 1988, loin d’être une simple note de bas de page dans l’histoire de l’Église, ont constitué un moment déterminant dans l’affirmation de la tradition catholique au XXe siècle. L’empreinte de cet événement se fait encore sentir aujourd’hui, dans la vitalité de la FSSPX et dans le désir persistant de nombreux catholiques de redécouvrir et de vivre pleinement la richesse de la tradition de leur Église. L’héritage de Monseigneur Marcel Lefebvre, symbolisé par les sacres du 30 juin 1988, demeure ainsi un témoignage vibrant du courage nécessaire pour défendre la vérité et la tradition, même face à l’adversité la plus grande.