
Antonio Bacci, italien originaire de Giugnola, Castel del Rio, en Émilie-Romagne, naquit le 4 septembre 1885 et rendit son dernier souffle à Rome le 20 janvier 1971. Cet éminent religieux italien, de renom au XXe siècle, reçut le titre de cardinal des mains du pape Jean XXIII en 1960.
Après avoir complété sa formation au Séminaire de Florence, Bacci reçut l’ordination sacerdotale en 1909. Rapidement, de 1910 à 1922, il prit une part active dans la formation des futurs prêtres en tant que membre de la faculté pédagogique et directeur spirituel de ce même séminaire. Sa proximité avec le Saint-Siège fut concrétisée en mars 1923 lorsqu’il fut désigné chambellan honorifique papal avant d’être intégré à l’administration du secrétariat d’État du Vatican l’année suivante. En 1962, le pape Jean XXIII, qui avait précédemment honoré Bacci du titre de cardinal-diacre, le désigna archevêque titulaire de Colonia de Cappadocia. Durant cette décennie, Antonio Bacci fut un acteur notable de l’histoire ecclésiastique, participant au Concile de Vatican II (1962-1965) et au conclave de 1963, marqué par l’élection de Paul VI à la suite du décès de Jean XXIII.
Vers la fin de la décennie, en 1969, Bacci exprima, conjointement avec le cardinal Ottaviani, des préoccupations concernant les évolutions de la liturgie catholique. Ces deux cardinaux adressèrent au pape Paul VI une critique du nouvel Ordo Missae, pointant du doigt certaines caractéristiques catastrophiques du nouveau rite de la Messe. Rite qui bouleversa tout le monde catholique durant cette période et fit fuir un nombre considérables de pratiquants scandalisés par cette défiguration de la Messe.
Outre ses responsabilités ecclésiastiques, Antonio Bacci était également un érudit passionné par la langue latine. Il laissa d’ailleurs sa marque dans la littérature latine avec son œuvre majeure, le Lexicon eorum vocabulorum quae difficilius Latine redduntur (« Lexique des expressions les plus ardues à traduire en latin »), publié en 1949, enrichissant la langue latine de nombreuses traductions de termes contemporains. Rappelons que le latin est la langue officielle et liturgique de l’ Eglise. Mais revenons, si vous le voulez bien, sur l’aspect de l’oeuvre remarquable de ce grand ecclésiastique qui nous intéresse ici : c’ est à dire sur sa résistance déterminée à accepter la réforme liturgique issue du Concile Vatican II.
Le « Bref examen critique du nouvel Ordo Missae. »
« Le Novus Ordo Missae (soit le nouveau rite de la Messe) représente, tant dans son ensemble que dans ses détails, une rupture impressionnante avec la théologie catholique de la Sainte Messe, telle qu’elle a été formulée dans la XXIIe Session du Concile de Trente. Les canons du rite, définitivement fixés à cette époque, ont érigé une barrière infranchissable contre toute hérésie qui porterait atteinte à l’intégrité du magistère. » (extrait de la lettre introductive accompagnant le « Bref examen critique »).
Voilà une excellente et précise entrée en matière !
Les Cardinaux Bacci et Ottaviani exprimèrent plusieurs reproches de type théologiques à la nouvelle forme de la Messe issue directement du Concile Vatican II. Ils soutenaient que la refonte liturgique de la messe, promulguée par Paul VI, semblait réduire l’importance du sacrifice eucharistique, le percevant davantage comme un rappel mémoratif de la crucifixion plutôt que comme une manifestation concrète de la présence du Christ. Selon leur interprétation, cette approche risquait de rendre le caractère sacré de l’Eucharistie simplement symbolique.
Leurs critiques se basaient sur plusieurs modifications apportées à la liturgie :
L’élimination de prières traditionnelles telles que les prières au pied de l’autel et certaines parties de l’offertoire de la messe tridentine.
L’introduction de nouvelles prières eucharistiques, avec une mention particulière à la seconde qui, à leurs yeux, pourrait être prononcée dans un contexte protestant.
Le changement de perspective dans le récit de l’institution, adoptant une approche narrative plutôt que sacramentelle.
L’ajustement des paroles de consécration.
L’intégration de l’acclamation « … jusqu’à ce que tu viennes » post-consécration, suggérant une possible ambiguïté quant à la présence réelle du Christ.
La révision de certains textes de prières traditionnelles.
La réduction d’actes dévotionnels visibles, comme les signes de croix, les génuflexions et l’usage de certains ornements liturgiques.
D’après les deux cardinaux, ces modifications reflétaient des positions théologiques inexactes, et ils les considéraient comme des déviations potentielles de la foi catholique traditionnelle.
Les Cardinaux Bacci et Ottaviani exprimèrent également des remarques relatives à la liturgie elle-même. Leur préoccupation principale portait sur certains changements qui, selon eux, risquaient d’éroder la tradition sacrée de la messe.
L’un des aspects les plus contestés fut la séparation de l’autel et du tabernacle. Pour étayer leur argument, ils citèrent Pie XII, qui, lors du Congrès de liturgie de 1956, déclara : « Séparer le tabernacle de l’autel, c’est séparer deux choses qui doivent rester unies par leur origine et leur nature ».
Ils se montrèrent également préoccupés par la réinterprétation du rôle du prêtre. Plutôt que de le voir comme un médiateur sacré entre Dieu et l’humanité, les nouvelles directives semblaient le réduire à un simple animateur ou un égal parmi ses fidèles.
La notion de concélébration suscita aussi des réserves. Pour les cardinaux, cela risquait d’amoindrir la piété eucharistique individuelle du prêtre et de diluer l’image du Christ en tant que seul Prêtre et Victime parmi la multitude des concélébrants.
Le changement symbolique de l’autel, perçu désormais davantage comme une table de repas plutôt qu’un lieu de sacrifice, fut un autre point de contention.
Enfin, ils regrettèrent l’abandon progressif de la langue latine et du chant grégorien, malgré les directives de Vatican II qui insistaient sur l’importance de ces éléments traditionnels dans la liturgie. Vatican II avait clairement demandé la conservation de la langue latine et accordé la primauté au chant grégorien. Pour Bacci et Ottaviani, ces modifications entraient en contradiction avec les fondements liturgiques traditionnels de l’Église.
On notera que le travail de ces deux Eminences se basa sur une étude approfondie du nouveau Missel de Paul VI. Or, si l’ on est un tant soit peu réaliste, on doit aggraver le diagnostic posé par les deux cardinaux en considérant toute les latitudes et désobéissances que s’ autorisent la majorité des membres du clergé en interprétant à leur guise cette nouvelle messe qui, dès lors, finit par ressembler très souvent à un spectacle de très mauvais goûts variant d’ un prêtre à l’ autre. On pourrait multiplier les exemples à l’ infini tant dans l’ espace que dans le temps qui nous sépare de cette fameuse « réforme liturgique ».
Tant que les autorités romaines soutiendront cette décadence de l’ expression de la liturgie, l’ effondrement de la pratique religieuse s’ accentuera tant il est vrai que la laideur doublée de l’ hétérodoxie sont étrangères au culte que la créature se doit de rendre à son Créateur…