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Les racines antiques du droit international.

Le droit international, considéré par beaucoup comme une invention moderne, plonge en réalité ses racines dans l’Antiquité. Cette armature juridique globale, régissant aujourd’hui les relations entre États souverains, est en effet un héritage d’une époque lointaine où les cités-états réglaient leurs interactions par des accords et des traités. Cette perspective historique, largement explorée par des chercheurs francophones, jette un nouvel éclairage sur notre compréhension du droit international contemporain.

Dans son ouvrage « Histoire du droit international: de l’Antiquité à la chute de l’Empire romain » (Éditions Bruylant, 2007), le professeur francophone Olivier Corten nous transporte dans l’Égypte antique, la Mésopotamie, la Grèce et Rome, explorant les origines du droit des nations. Ces civilisations avaient déjà des règles régissant les relations entre cités-états, établissant des normes pour la diplomatie et la conduite de la guerre. Leurs traités établissaient des alliances, des zones de contrôle et des compensations pour les guerres perdues. Par exemple, comme le souligne Marie-Pierre Rey dans son excellent ouvrage « Le Congrès de Vienne : une refondation de l’Europe » (Éditions Seuil, 2013), la pratique des traités de paix négociés après un conflit, aujourd’hui courante dans le droit international, a des antécédents dans l’Antiquité. Le traité de Kadesh, conclu entre les Hittites et les Égyptiens au XIIIe siècle avant notre ère, en est un exemple remarquable. De même, « Le droit dans la Grèce antique » (Éditions Léviathan, 2003), écrit par le professeur de droit Jean-Paul Thomas, nous donne un aperçu de la façon dont les cités-états grecques utilisaient la diplomatie pour résoudre leurs différends. Ces pratiques, selon Monsieur Thomas, ont jeté les bases de certaines des conventions diplomatiques que nous utilisons encore aujourd’hui. Enfin, citons le droit romain tel qu’étudié par Aldo Schiavone dans son « Histoire du droit romain » (Éditions du Seuil, 2016), qui a eu une influence déterminante sur le développement du droit international. Les Romains ont formalisé de nombreux aspects de la diplomatie, de la conduite de la guerre et du traitement des prisonniers, qui ont ensuite été intégrés dans le droit des nations. La découverte de ces antécédents anciens du droit international rappelle qu’il s’agit d’un système en constante évolution progressant par essais et erreurs tout au long de l’histoire de l’humanité.

Ainsi, les empires grec et romain notamment, avaient en effet posé les jalons du droit international moderne que nous connaissons. Les Romains, en particulier, avaient codifié bon nombre de règles que nous prenons aujourd’hui pour acquises : les juristes de l’ Empire avaient une notion assez développée du « jus gentium » ou « droit des gens », qui s’appliquait non seulement à leurs propres citoyens mais aussi à ceux des nations qu’ils avaient conquises. Ce concept pourrait bien être considéré comme l’un des précurseurs du droit international moderne qui est censé s’appliquer indépendamment de la nationalité. Il est également fascinant de constater que de nombreuses pratiques et principes qui constituent aujourd’hui le fondement du droit international ont leurs racines dans la philosophie grecque ancienne. Le célèbre philosophe Aristote avait théorisé la « polis », ou cité-état, comme une entité qui devrait fonctionner de manière indépendante mais aussi établir des relations avec d’autres cités-états. Au-delà de la Grèce et de Rome, d’autres civilisations anciennes avaient également des formes de droit international. Les Égyptiens, par exemple, avaient des accords avec d’autres nations, régulant les relations commerciales et diplomatiques.

On voit donc clairement que la complexité du droit international contemporain, avec ses règles, ses traités et ses institutions, n’est pas apparue ex nihilo. Elle est le résultat d’un long héritage remontant aux premières civilisations qui ont commencé à jeter les bases du droit international tel que nous le connaissons.

Si nous nous tournons vers l’Orient, il est fascinant de voir que des civilisations comme la Chine et l’Inde avaient aussi leur propre conception du droit international. En Chine, la philosophie confucéenne a jeté les bases d’une doctrine de respect mutuel et de non-ingérence dans les affaires intérieures d’autres États, un principe qui reste central dans la politique étrangère chinoise aujourd’hui. En Inde, l’ancien texte hindou, le Mahabharata, contient des références à la « loi des nations » et au concept de « juste guerre ». Pendant ce temps, en Mésopotamie, les dirigeants construisaient des alliances et des accords qui régissaient tout, des frontières aux échanges commerciaux, formant ainsi les prémisses de nos accords internationaux modernes. Le fameux Code d’ Hammurabi en est un exemple précoce, contenant des règles sur le commerce, les contrats et même certains aspects de ce que nous pourrions aujourd’hui appeler le droit humanitaire. Pourtant, malgré ces développements antiques, le droit international tel que nous le connaissons vraiment n’a commencé à prendre forme qu’à l’époque de la Renaissance, lorsque les explorateurs, les commerçants et les conquérants ont commencé à traverser les océans, découvrant de nouveaux mondes et de nouvelles cultures.

Penchons nous maintenant brièvement sur les développements que le grand philosophe grec Aristote donna à cette discipline. Bien qu’il n’ait pas explicitement élaboré une théorie du droit international comme nous l’entendons aujourd’hui, le penseur grec a posé des bases philosophiques qui ont influencé la pensée juridique et politique occidentale, y compris le développement du droit international. Sa philosophie politique repose sur l’importance de l’État (la « polis ») qu’il considérait comme l’unité politique par excellence. La « polis » est pour Aristote l’entité politique la plus accomplie : une communauté de citoyens libres qui vivent ensemble dans le but de parvenir au bien commun.

Bien que la philosophie d’Aristote soit principalement centrée sur l’organisation de la « polis », certaines de ses idées peuvent être extrapolées pour comprendre les relations entre ces différentes « polis », et donc entre les États dans le contexte du droit international. Son idée de « justice distributive », qui concerne la répartition équitable des biens et des honneurs dans la « polis », pourrait être appliquée à l’échelle internationale pour promouvoir une distribution équitable des ressources et des opportunités entre les nations. Aristote a également discuté de la « juste guerre » dans son ouvrage « Politique », et bien que ses considérations soient principalement axées sur les guerres entre les cités grecques, certains de ses principes pourraient être appliqués au contexte international comme l’idée que la guerre doit être un dernier recours et que les combattants doivent respecter certaines normes éthiques.

Cependant, il convient de noter que ces extrapolations de la philosophie d’Aristote vers le droit international moderne sont largement une construction de penseurs postérieurs qui ont utilisé les idées d’Aristote pour soutenir leurs propres théories. Aristote lui-même n’ayant pas élaboré une théorie explicite du droit international.

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