
Michel de Grosourdy de Saint-Pierre, né un jour d’hiver, le 12 février 1916 dans la pittoresque ville de Blois, s’éteint dans la sérénité de Saint-Pierre-du-Val, en Eure, le 19 juin 1987. Cet homme de lettres émérite, véritable incarnation de l’esprit français, a joué un rôle indéniablement admirable en tant que résistant durant les sombres années de la Seconde Guerre mondiale. Puis, l’homme de courage se révèle homme de plume, s’imposant avec panache sur la scène littéraire française à travers des nouvelles, des romans et des essais d’une rare profondeur.
Alliant une multiplicité de rôles, Saint-Pierre a également œuvré comme agent d’une maison d’import-export, s’est aventuré, bien que brièvement, dans le journalisme, contribuant à des périodiques catholiques, et a brillamment dirigé des collections chez deux éditeurs prestigieux : les éditions de la Table Ronde et France-Empire.
En 1951, la Société des gens de lettres couronne son roman « La Mer à boire » par un premier prix littéraire, inaugurant une carrière émaillée de succès. Son premier roman à succès, « Les Aristocrates », paru en 1954, dépeint avec une finesse rarement égalée la vie d’une noblesse française partagée entre les rigueurs de la tradition et les vents de la modernité, entre un sens profond du devoir et une aspiration ardente à la liberté. Ce bijou de littérature reçoit en 1955 le grand prix du roman décerné par l’Académie française et fait l’objet d’une adaptation cinématographique par Denys de La Patellière. En 1961, Saint-Pierre en écrit une suite, « Les Nouveaux Aristocrates », également portée à l’écran par Francis Rigaud.
Michel de Saint-Pierre, écrivain prolifique et passionné, entretient une correspondance soutenue avec Henry de Montherlant et Jean de La Varende, auxquels il est lié par des affinités d’esprit et une amitié indéfectible. Ses œuvres, écrites avec vigueur et culture, se distinguent par leur douce ironie et touchent les lecteurs par la profondeur de la foi de leurs personnages, en proie à un monde qui semble perdre le sens de ses racines et de Dieu. Léopold Sédar Senghor, poète et homme d’État sénégalais, rend hommage à Saint-Pierre en le citant parmi les écrivains normands qui incarnent le mieux la « normanité », dont les écrits sont marqués par une ferveur empreinte de spleen.
Ses œuvres, y compris « Les Aristocrates », « Les Nouveaux Aristocrates », « Les Écrivains », « La Mer à Boire », « Le Milliardaire » ou « L’Accusée », ont été adaptées à la télévision et au cinéma. Malheureusement, ces œuvres, si profondément marquées par leur époque, sont aujourd’hui quelque peu délaissées, peu d’entre elles ayant été rééditées depuis sa mort en 1987. C’est là un sombre constat qui incite à redécouvrir cet écrivain talentueux dont l’œuvre a su, avec une justesse et une précision uniques, capter l’esprit de son époque et transmettre des valeurs universelles et intemporelles.
J’ aimerais me pencher quelque peu sur un roman particulièrement significatif que ce puissant auteur publia en 1964 aux Editions de la Table Ronde : « Les nouveaux prêtres ».
Ce roman captivant est profondément révélateur de Michel de Saint-Pierre qui plonge ses lecteurs au cœur d’une paroisse ouvrière de la banlieue parisienne, à Villedieu. L’arrivée d’un nouvel acteur, l’abbé Paul Delance, comme troisième vicaire, dévoile les tensions et le malaise croissant qui existent entre le curé Florian et ses deux autres vicaires, Barré et Reismann.
Le modernisme destructeur de l’abbé Barré, manifeste dans sa volonté de collaborer avec la municipalité communiste et dans le dépouillement radical des ornements de l’église, est source de profonde incompréhension pour Paul. Pour ce dernier, le ministère sacerdotal a une dimension sacrée qui semble bafouée par ces nouvelles orientations. Lorsqu’un sermon résolument progressiste de l’abbé Barré éclate comme un coup de tonnerre, les tensions latentes émergent et le curé Florian doit intervenir. La confrontation qui s’ensuit est bien plus qu’un simple désaccord paroissial. Elle représente l’incarnation d’une véritable « querelle des Anciens et des Modernes » qui secoue alors l’Église dans son ensemble : doit-elle s’adapter aux évolutions sociétales et idéologiques ou rester fidèle à ses traditions séculaires ?
L’excellence de « Les nouveaux prêtres » réside dans sa capacité à exposer cette problématique avec une clarté et une justesse impressionnantes. Saint-Pierre donne vie à cette querelle théologique par le biais de personnages pleins de conviction et d’humanité, nous montrant ainsi que derrière ces grandes questions se trouvent des hommes et des femmes déchirés par leurs engagements spirituels et leurs convictions personnelles. Ce roman de Michel de Saint-Pierre, bien qu’ancré dans son époque, soulève des questionnements d’une actualité brûlante. Il met en lumière le malaise qui peut naître lorsque l’aspiration au progrès se heurte à la profondeur et à la richesse de la tradition. En cela, « Les nouveaux prêtres » est une œuvre d’une grande pertinence, un reflet fidèle des tensions qui ont traversé l’Église dans le passé, et qui continuent de résonner dans notre présent.
Saint-Pierre n’était pas qu’un simple observateur passif de ces changements. Il a pris une part active au débat qui agitait l’Église, à la fois par ses écrits et par son engagement personnel. Il a organisé des conférences, collaboré avec des publications catholiques traditionalistes et pris position contre les catholiques de gauche. Sa voix retentissante s’est souvent heurtée à l’hostilité de certaines parties de l’épiscopat et des institutions catholiques. Il a ainsi fait l’objet de critiques et d’ostracisation de la part de certains acteurs ecclésiastiques. Pourtant, loin de se laisser décourager, il a continué à s’engager de plus en plus profondément dans la défense de la tradition catholique.

Michel de Saint-Pierre a publié d’autres œuvres importantes qui sont devenues des jalons dans la littérature catholique traditionnelle. Ses écrits ont résonné avec une multitude de catholiques qui se sentaient désorientés et marginalisés par les changements radicaux apportés par le Concile Vatican II. Dans ces textes, il critiquait les attitudes et les comportements de certains clercs et laïcs engagés, qu’il considérait comme étant en contradiction avec les principes traditionnels de l’Église.
En plus de son travail d’écrivain, Saint-Pierre s’est engagé activement dans des mouvements catholiques traditionalistes. Il est devenu une figure de proue de ces mouvements, présidant l’association Credo, qui rassemblait des catholiques partageant son désir de préserver la tradition. Il était également proche Monseigneur Marcel Lefebvre et soutenait ses efforts pour maintenir la tradition liturgique face aux réformes du Concile Vatican II.
Michel de Saint-Pierre, à travers ses œuvres littéraires et ses actions publiques, a laissé une marque indélébile sur l’histoire de l’Église catholique à l’époque du Concile Vatican II. Ses écrits, ses discours, son engagement actif dans des mouvements de préservation de la tradition et sa critique constante des orientations modernistes de l’Église ont constitué une contribution majeure au débat sur l’identité et l’avenir de l’Église catholique. En dépit des controverses, des critiques et des obstacles, il a maintenu une position inébranlable en faveur de la tradition et du respect de la liturgie classique. Son dévouement à la cause de la préservation de la foi catholique traditionnelle a inspiré et continue d’inspirer de nombreux fidèles à travers le monde. L’œuvre et la vie de Michel de Saint-Pierre constituent un rappel poignant de l’importance de la tradition dans la foi catholique. Elles rappellent que, même face à des changements majeurs et à la pression de l’adaptation au monde moderne, il existe toujours une place pour la fidélité aux traditions ancestrales. En dépit de tous les défis, son exemple reste une source d’inspiration pour tous ceux qui cherchent à naviguer dans les eaux parfois tumultueuses de la vie religieuse moderne.