
Michel Onfray est un philosophe français contemporain, né le 1er janvier 1959 à Argentan, dans l’Orne. Il est principalement connu pour être le fondateur de l’Université populaire de Caen en 2002 où il a dirigé pendant plusieurs années un séminaire sur l’histoire de la philosophie. Ce penseur très médiatisé est également un auteur prolifique. Parmi ses œuvres les plus remarquées, on trouve une « Contre-histoire de la philosophie » en plusieurs volumes, dans laquelle il met en lumière des penseurs souvent négligés par l’enseignement académique traditionnel. Il a également écrit sur des sujets variés comme l’athéisme, la politique, l’éthique, l’épicurisme et l’art de vivre. Michel Onfray se considère comme un hédoniste, un athée et un anarchiste. Il est fortement influencé par la philosophie de Friedrich Nietzsche et est un fervent critique de la religion et de l’Église catholique en particulier. Ayant régulièrement pris position sur des questions d’actualité parfois controversées, il n’ a pas manqué de déclencher de rudes polémiques largement répercutées dans la société française et dans la francophonie en général. Il faut aussi noter que son approche de la philosophie, très engagée et parfois jugée provocatrice, ainsi que sa critique de l’institution universitaire, ont alimenté de nombreux débats, aussi bien parmi le grand public que dans le milieu académique.
Penchons nous sur son livre intitulé « Le Crépuscule d’ une idole. » publié en 2011.
Dans le corpus des critiques contre Sigmund Freud, celles de Michel Onfray se distinguent par leur virulence et leur caractère radical. Onfray conteste non seulement les conclusions de Freud mais également ses méthodes et son approche fondamentale de la psychanalyse. Dès le début, il met en lumière une dimension fondamentale de sa critique : Freud n’est pas simplement un théoricien dont certaines idées pourraient être remises en question mais un imposteur qui a construit un système de pensée basé sur des principes défectueux et un manque d’intégrité intellectuelle.
Onfray présente Freud comme un personnage obsessionnel, hanté par ses propres névroses, et utilisant la psychanalyse comme une sorte de miroir de ses propres préoccupations plutôt que comme une véritable exploration de l’esprit humain. Il s’insurge contre ce qu’il perçoit comme un égocentrisme théorique et une projection personnelle qui contaminent l’ensemble de l’œuvre freudienne. Cette contestation fondamentale de Freud est le point de départ de la critique de Onfray, une attaque sur les fondations mêmes de la psychanalyse qui pose les bases d’une opposition radicale et intransigeante. A partir de cette critique initiale, Onfray s’engage dans une déconstruction plus détaillée et ciblée de la théorie freudienne et de son impact sur la psychanalyse moderne.
Michel Onfray voit dans la théorie freudienne de l’inconscient une manifestation de ce qu’il appelle une « pensée magique ». Pour Onfray, cette notion d’un esprit profondément enfoui, inaccessible à la conscience et qui pourtant dirigerait nos actions, n’est rien d’autre qu’un subterfuge théorique, une sorte de trou noir conceptuel permettant à Freud de masquer les faiblesses de sa théorie. Il est particulièrement critique vis-à-vis de la façon dont Freud utilise l’inconscient pour expliquer des comportements ou des motivations qui, autrement, resteraient inexplicables. Cela revient à remplacer l’explication par le mystère, à substituer à la rigueur scientifique un flou artistique habilement dissimulé. Notre philosophe conteste également l’idée que l’inconscient puisse être exploré et « interprété » par le biais de la psychanalyse. Selon lui, cette prétention est non seulement scientifiquement infondée mais elle confère aussi aux psychanalystes un pouvoir arbitraire et incontrôlable. En effet, comment contester l’interprétation d’un analyste qui a accès à des zones de notre esprit que nous-mêmes ne pouvons pas explorer ? Pour Onfray, cette situation ouvre la porte à toutes sortes d’abus et de manipulations. Il attaque également la vision freudienne de l’inconscient comme étant une conception excessivement négative et réductrice de la nature humaine. Selon lui, en postulant que nous sommes tous mûs par des instincts primaires et des pulsions refoulées, Freud nous prive de notre liberté et de notre dignité. Onfray propose a contrario une vision plus positive et plus libératrice de l’homme, en insistant sur notre capacité à nous transformer et à nous améliorer grâce à notre volonté et notre conscience.
Michel Onfray soutient que la théorie de Freud sur la sexualité a été inventée et manipulée pour soutenir son propre programme idéologique. Freud a placé la sexualité au centre de la psyché humaine en arguant qu’elle est la force motrice derrière la plupart de nos actions. Pour Onfray, cette vision est profondément erronée car elle réduit l’humain à une simple marionnette de ses désirs sexuels refoulés.
La théorie de Freud sur le complexe d’Œdipe est particulièrement critiquée. Selon Freud, ce complexe est un stade universel du développement psychique de l’enfant qui traverse une phase pendant laquelle il ressent une attraction sexuelle inconsciente pour le parent du sexe opposé et une rivalité avec le parent du même sexe. Onfray conteste non seulement le caractère universel de cette théorie mais également son implication, qui est selon lui, symptomatique de l’obsession freudienne pour la sexualité. Il rejette l’idée que la psyché humaine est intrinsèquement liée à des pulsions sexuelles refoulées en soutenant que la théorie freudienne a eu un impact négatif sur la façon dont nous percevons la sexualité, en la liant à des notions de culpabilité, de honte et de perversion. Il propose plutôt une vision plus libre et plus saine de la sexualité qui ne soit pas constamment sous le joug de la répression et du refoulement.
Michel Onfray voit dans la théorie sexuelle de Freud un choix idéologique et non une véritable découverte scientifique.
En plus de contester les principes fondateurs de la psychanalyse freudienne, notre polémiste se penche sur la personnalité de Freud lui-même et sa pratique en tant que médecin. En examinant les écrits de Freud et les archives de ses sessions de thérapie, il soutient que Freud était loin d’être le praticien impartial et dévoué qu’il prétendait être. Freud, comme l’a fait valoir Onfray, utilisait ses patients pour valider ses théories plutôt que d’adapter ses théories à ses patients. En d’autres termes, plutôt que de considérer chaque patient comme un individu avec ses propres particularités, Freud aurait souvent interprété leurs symptômes pour les faire correspondre à ses hypothèses préconçues. Cela a conduit à une pratique thérapeutique qui, selon Onfray, manquait de véritable empathie et de respect pour l’expérience individuelle du patient. Michel Onfray a également critiqué le comportement de Freud envers ses pairs et ses disciples. Il soutient que Freud, loin d’être un chercheur ouvert à la critique et au débat, était en réalité dogmatique et autoritaire, n’hésitant pas à exclure et à ostraciser ceux qui ne partageaient pas ses vues.
Dans son livre « Le crépuscule d’une idole », Freud est décrit comme un charlatan qui a manipulé ses patients et falsifié ses données pour servir ses propres ambitions. La thèse selon laquelle le mythe de Freud en tant que père de la psychanalyse et grand penseur du XXe siècle est plus le produit d’une construction marketing et d’une manipulation délibérée que d’une véritable innovation scientifique est ardemment soutenue.
L’opposition de Michel Onfray à Freud s’étend même jusqu’au cœur de l’impact que Freud a eu sur la société contemporaine. Son livre examine de manière critique l’immense influence que Freud a eue sur la pensée occidentale, en particulier en ce qui concerne les normes et les attitudes en matière de sexualité et de relations interpersonnelles. Onfray souligne que bien que Freud soit souvent loué pour avoir libéré la sexualité de ses chaînes victoriennes, la réalité est beaucoup plus complexe. Selon lui, les théories de Freud ont plutôt renforcé un certain nombre de stéréotypes sexuels et de préjugés, notamment l’idée que la sexualité est intrinsèquement conflictuelle et problématique et nécessite une régulation et une médiation constantes par le biais de la psychanalyse. Onfray critique la manière dont Freud a pathologisé une grande partie du comportement humain en attribuant un grand nombre de problèmes personnels et sociaux à des traumatismes sexuels refoulés. Cette approche a contribué à une culture d’excuse et de victimisation dans laquelle les individus sont encouragés à attribuer leurs problèmes à des forces extérieures plutôt qu’à prendre la responsabilité de leurs propres actions et de leurs propres vies. Onfray déplore l’influence de Freud sur la pratique de la psychiatrie et de la psychothérapie. Il soutient que la méthode de Freud, avec sa focalisation sur l’exploration du subconscient et son rejet de la réalité objective, a conduit à une forme de thérapie qui est plus axée sur l’introspection sans fin et le bavardage théorique que sur l’obtention de résultats concrets pour les patients.
Notre écrivain médiatique propose un réexamen critique de l’héritage de Freud, suggérant que loin d’être un libérateur, Freud a en fait laissé un héritage qui peut être préjudiciable à la santé mentale et au bien-être de la société contemporaine.
Bien évidemment, la publication du « Le Crépuscule d’une Idole » a provoqué une vague de réactions virulentes dans le monde académique et au-delà. Ce livre a été l’objet de critiques féroces et de débats passionnés.
Les partisans de Freud et les défenseurs de la psychanalyse ont été parmi les plus virulents. Ils ont critiqué l’ auteur pour ce qu’ils considéraient comme une lecture sélective et biaisée des écrits de Freud, l’accusant d’avoir caricaturé et simplifié à l’extrême la pensée complexe de Freud pour servir son propre agenda philosophique. Les critiques ont également accusé Onfray de se livrer à une forme de « psychobiographie » peu rigoureuse en attribuant les théories de Freud à ses propres troubles personnels plutôt qu’à une réflexion intellectuelle sérieuse. Certains ont même suggéré qu’ Onfray était motivé par une sorte de « Freudophobie », une hostilité irrationnelle envers Freud et sa pensée. Le livre a également provoqué une controverse parmi le grand public. Certaines personnes ont été choquées par les allégations sur la vie personnelle de Freud, notamment ses affirmations concernant l’addiction à la cocaïne de Freud et ses relations prétendument inappropriées avec ses patientes. D’autres ont applaudi ce texte pour avoir osé remettre en question le statut presque intouchable de Freud dans la culture occidentale.
En dépit, ou peut-être à cause de cette controverse, « Le Crépuscule d’une Idole » a été un succès commercial, attirant de nombreux lecteurs qui étaient curieux de voir une critique audacieuse et non conventionnelle de l’une des figures les plus vénérées de la psychologie. Michel Onfray a vraiment l’ art de jeter de puissants coups de pied dans les édifices apparemment les mieux établis.
Pour ma part, je pose une question supplémentaire : pourquoi l’ accès à la profession de psychanalyste est-il si peu régulé alors que le patient va aller se confier dans les matières les plus intimes auprès d’ une personne censée l’ aider ?