fb_pixel

Michel Villey, une lumière de la philosophie juridique du XXe siècle

Michel Villey, une lumière de la philosophie juridique du XXe siècle

Michel Villey vit le jour à Caen le 4 avril 1914 et nous quitta le 24 juillet 1988. S’épanouissant dans le vaste domaine de la philosophie et de l’histoire du droit, il a laissé une empreinte indélébile sur ces disciplines en France.

Le fruit ne tombe jamais loin de l’arbre, dit-on. Ceci se confirme dans la vie de Michel Villey, qui, en naissant dans le sillage intellectuel de son père, l’éminent universitaire Pierre Villey, a poursuivi un chemin académique tout aussi illustre. Pierre Villey, connu pour sa passion pour la littérature du XVIe siècle et son rôle d’éditeur des Essais de Montaigne, a sûrement inspiré la flamme académique chez son fils.

Dès son jeune âge, Michel s’est distingué dans le domaine juridique. Il a obtenu son doctorat en droit en 1942. Sa quête de connaissance et son excellence académique l’ont conduit à devenir agrégé de droit, un titre honorifique qui souligne son expertise et sa compétence dans ce domaine. La ville de Strasbourg eut l’honneur de l’avoir comme professeur à son université avant qu’il ne soit appelé, en 1961, au cœur même de l’académie française, la Faculté de Droit de l’Université de Paris, plus tard rebaptisée Université Paris-II.

Durant son mandat à Paris, Michel Villey a laissé sa marque en créant le Centre de philosophie du droit avec Henri Batiffol. Il a également lancé la revue « Archives de philosophie du droit », une publication prestigieuse qui éclaire les dimensions philosophiques du droit. Villey était un homme reconnu non seulement pour ses profondes connaissances mais aussi pour son talent de pédagogue. Il avait le don de faire revivre la philosophie du droit en France. Inspiré par les travaux d’Aristote et de saint Thomas d’Aquin, il a formulé des critiques poignantes sur la pensée juridique moderne, favorisant une approche plus traditionnelle et classique.

Outre ses qualités académiques, Villey était connu pour sa générosité d’esprit, sa chaleur humaine, et sa dévotion à l’institution universitaire. Il entretenait des relations fructueuses avec d’autres philosophes du droit contemporains, notamment Chaïm Perelman, Georges Kalinowski et Jean-Louis Gardies.

L’Université de Genève, reconnaissant sa contribution exceptionnelle à la philosophie et à l’histoire du droit, lui a décerné le titre de docteur honoris causa.

L’influence durable de Villey dans le monde académique ne s’arrête pas là. Le 1er janvier 1998, en hommage à ce grand penseur, le professeur Stéphane Rials a inauguré l’Institut Michel-Villey pour la culture juridique et la philosophie du droit. Cet établissement, positionné majestueusement face au Panthéon de Paris, continue de perpétuer l’héritage et la vision de Villey dans le monde juridique. https://institutvilley.com/

Ce philosophe a littéralement jeté un coup de pied dans la fourmilière des conceptions du droit moderne. Je m’ arrêterai uniquement sur ce point pour mettre en évidence la pensée traditionnelle de Michel Villey.

 Alors que nos idées sur le droit changent avec le temps, Villey nous rappelle les enseignements d’Aristote et de Saint Thomas d’Aquin. Mais pourquoi ces figures historiques sont-elles pertinentes pour nos dilemmes éthiques et juridiques actuels ?

Il est essentiel de comprendre que Villey ne prétend pas que les perspectives d’Aristote ou de Saint Thomas sont les solutions directes à nos problèmes mais il souhaite nous montrer comment leur sagesse peut nous aider à naviguer dans le paysage juridique moderne.

L’un des principaux défis identifiés par Villey est le rationalisme fruit de la pensée de René Descartes (1596-1650). De nombreux penseurs, sous l’influence du rationalisme, ont tenté de définir le droit en fonction d’idéologies ou de théories préétablies. Cela inclut des concepts tels que le jusnaturalisme moderne, qui postule que certains droits sont « naturels » et inhérents à l’humanité. Nous voyons également des théories de l’état de nature, proposées par des philosophes comme Hobbes, Locke et Rousseau, qui envisagent comment les gens agiraient en l’absence de société ou de gouvernement. Ajoutez à cela le jusnaturalisme chrétien, qui s’appuie sur des enseignements religieux pour déterminer ce qui est juste, et le normativisme de Kelsen, qui stipule que le droit est basé sur des règles fondamentales.

En réponse à ces approches, Villey nous ramène au droit romain, l’ensemble des lois qui régissaient l’ancien Empire romain. Inspiré par Aristote, le droit romain s’écarte des idéologies préconçues pour se concentrer sur la réalité des interactions humaines. Dans ce système, un juge examinerait un conflit basé sur les faits et rendrait un jugement. Seulement après avoir pris une telle décision, elle pourrait devenir la base d’une règle générale.

La perspective de Villey est donc claire : pour véritablement comprendre et appliquer le droit, il est essentiel de se concentrer sur les interactions humaines réelles plutôt que sur des concepts préétablis.
 En adoptant une telle approche fondée sur les réalités de la vie quotidienne, nous sommes mieux préparés à traiter les questions juridiques actuelles.

Villey invite donc à un renversement de perspective sur le plan conceptuel. En cela, je pense bien qu’ il est aristotélicien puisqu’ il invite à partir des faits pour créer la règle de droit et non à s’ inspirer d’ idéaux pour l’ écrire. Car selon notre auteur, cela viendrait à forcer la réalité à entrer dans le moule des idées et non l’ inverse.

En quoi, le vieux débat entre Platon et Aristote est loin d’ être éteint y compris dans les Facultés de droit !

Partager cet article :

Laisser un commentaire