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Quelques observations critiques suite à la publication du Rapport de l’Observatoire des inégalités 2022-2023.

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La France est actuellement le théâtre d’un phénomène socio-économique inquiétant : près de 8% de la population nationale, soit plus de 4.8 millions d’individus, survivent avec moins de 940 euros par mois ! Ce montant, qui représente la moitié du salaire médian, est défini comme le seuil de pauvreté… Ces chiffres ne tiennent pas compte de l’impact de la crise sanitaire ni de la crise d’inflation qui a frappé de plein fouet les ménages les plus précaires et qui les précipitent vers la misère. Les personnes pauvres basculent ainsi vers la misère et les personnes souffrant de la misère s’ effondrent dans un calvaire indescriptible !

En parallèle de cette situation totalement scandaleuse, une autre réalité économique se dessine, bien plus confortable : celle de l’élite financière du pays. En effet, le 1% le plus fortuné de la population, qui compte environ 600 000 personnes, bénéficie d’un revenu mensuel après impôts avoisinant les 7200 euros. L’écart économique est donc vertigineux, puisque ces individus les plus fortunés perçoivent presque huit fois plus que près de cinq millions de leurs concitoyens vivant dans la pauvreté. Cette disproportion salariale se retrouve à tous les niveaux de l’échelle socio-économique : le 0.1% le plus riche, soit 63 000 personnes, bénéficie chaque mois de près de 17 500 euros nets, soit un montant presque dix fois supérieur à ce que touchent la moitié des Français. De même, en ce qui concerne les catégories socio-professionnelles, l’écart est flagrant : les cadres reçoivent en moyenne chaque mois environ 2 500 euros net de plus que les employés. Cet écart équivant à presque deux salaires minimum.

Il est également préoccupant de constater que ces inégalités ne semblent pas se réduire. En fait, le niveau de vie des 10% les plus riches est aujourd’hui pratiquement 3.3 fois plus élevé que celui des 10% les plus pauvres, un rapport identique à celui constaté en 2005. Depuis les années 1980, les inégalités de revenus semblent persister, voire s’accroître par moments, et la répartition des richesses tend à se déformer au détriment des travailleurs. Ce triste constat met en lumière un contraste frappant dans la société française, où les conditions de vie de certains sont marquées par la précarité et la pauvreté, tandis que d’autres profitent d’une prospérité économique considérable. 

Les disparités en matière de richesses sont significativement plus marquées que celles relatives aux revenus. En termes clairs, les 10 % de ménages les plus aisés détiennent des actifs supérieurs à 716 000 euros, tandis que les 10 % les moins fortunés n’en possèdent que 4 400 euros. Autrement dit, le patrimoine des plus riches est 175 fois plus élevé que celui des plus pauvres. Cette petite frange de la population détient un patrimoine extrêmement diversifié. Il s’étend des placements financiers, aux véhicules de luxe, en passant par des propriétés immobilières et des résidences secondaires. Ces possessions contribuent à une multitude de problématiques socio-économiques, comme l’escalade des prix de l’immobilier, la gentrification des quartiers et la crise du logement qui est, dans sa substance, plutôt une crise de distribution équitable de la valeur immobilière. Ces individus monopolisent une part disproportionnée des ressources et des richesses générées : 47% de toute la richesse en France est entre les mains du décile le plus riche, une proportion qui ne fait qu’augmenter, puisqu’elle n’était que de 41% en 2010.

La fracture socio-économique en France, qui se manifeste dans les disparités en matière de revenus et de patrimoine, n’est pas une simple conséquence mais bien aussi une source de divisions profondes, notamment en matière d’emploi et d’éducation.

En matière de travail et de la nature des emplois occupés, les contrastes entre les différents groupes socio-économiques sont saisissants. Les plus fortunés occupent généralement des postes de direction ou équivalents, alors que ceux qui peinent le plus financièrement travaillent souvent en tant qu’ouvriers, employés ou se retrouvent dans des situations de précarité d’emploi.
 Le fléau du chômage frappe plus durement les strates sociales les moins privilégiées et les postes les moins bien payés : 17 % des ouvriers non qualifiés sont au chômage, ce qui représente un taux près de 4,5 fois supérieur à celui des cadres. Globalement, près d’un travailleur sur quatre, surtout parmi les plus démunis, cherche un emploi ou est sous contrat précaire. Pour ajouter à cette précarité, les travailleurs les plus défavorisés sont également les plus susceptibles de subir de mauvaises conditions de travail : les ouvriers ont sept fois plus d’accidents du travail invalidants que les cadres, sont trois à quatre fois plus souvent en arrêt de travail, sans oublier les horaires irréguliers, les journées discontinues, etc. En 2021, plus de 15 % des salariés en France occupent un emploi précaire, soit le double du taux des années 1980…

Dans le domaine éducatif, le tableau est tout aussi sombre. Les groupes sociaux défavorisés ont tendance à être moins éduqués que les groupes plus aisés, et inversement, ces populations plus défavorisées ont un accès restreint à l’éducation. Dès le plus jeune âge, les enfants issus de milieux défavorisés ont moins de possibilités d’obtenir un parcours éducatif de qualité : comme le soulignait déjà la Cour des Comptes il y a plus d’une décennie, les zones éducatives les plus en difficulté bénéficient de moins de ressources que les autres et reçoivent moins de subventions publiques. En conséquence, les élèves issus de familles défavorisées sont désavantagés dès le début de leur vie scolaire : alors que 75 % des élèves de CP en moyenne maîtrisent la compréhension orale, ce taux tombe à 42 % dans les écoles les plus en difficulté. Moins soutenus à l’école et disposant de moins de ressources à la maison, les élèves les plus pauvres se trouvent en situation de désavantage. Ces inégalités perdurent tout au long de la scolarité : seuls 19 % des élèves en lycée général ou technologique sont des enfants d’ouvriers, 10 % seulement à l’université, 7 % seulement en classe préparatoire… alors qu’ils représentent 30 % des élèves en CAP.

Ainsi, ces inégalités ont tendance à se perpétuer : les enfants des cadres ont plus de facilités à l’école, obtiennent de meilleurs emplois, et à l’inverse, les ouvriers et les employés restent bloqués, pour plusieurs générations, dans un cercle vicieux, avec moins de qualifications et des emplois moins bien payés.

Face à ces chiffres édifiants, nous devons tirer une conclusion aussi incontournable qu’inconfortable : nous vivons dans une société qui perpétue, consciemment ou non, un système profondément inégalitaire. Ce système perpétue un écart sidérant entre les plus aisés et les plus démunis, et ce, dans une nation qui se présente comme le berceau des Droits de l’Homme, du libéralisme éclairé et de la justice sociale.

La France, par ses principes fondateurs et ses ambitions déclarées, se devrait d’incarner un idéal de solidarité et d’équité. Et pourtant, nous sommes bien loin de cette vision utopique. Les inégalités de revenus et de patrimoine se creusent de manière inexorable, formant un fossé béant entre ceux qui ont et ceux qui n’ont pas. Les chances de réussite et d’épanouissement sont prédéterminées par la loterie de la naissance, condamnant des millions de citoyens à une existence de privation et de lutte constante. Nous ne devons pas nous contenter de ces réalités comme étant inévitables. Au contraire, elles doivent nous inciter à réfléchir, à débattre et à agir. L’inégalité socio-économique n’est pas une fatalité, c’est le résultat de choix politiques. Nous avons la possibilité, et je dirais même le devoir, de faire des choix différents, des choix qui favorisent une société plus juste, plus équitable, où chaque citoyen a une chance égale de réussir et de s’épanouir. Les mots « Liberté, Égalité, Fraternité » ne doivent pas être qu’une belle formule gravée sur le fronton de nos mairies mais bien la réalité tangible de notre contrat social sans quoi il faudra considérer que ces mots sont des slogans creux et ridicules issus d’ une inutile révolution…

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