
Il est important de souligner que la force et l’efficacité du droit international reposent largement sur le consentement et la volonté des États de se conformer à ses règles. Alors qu’ une majorité des États respectent la plupart du temps le droit international, il y a des moments où certains États choisissent de ne pas le respecter, ce qui pose des défis à la légitimité et à l’application du droit international. dans un prochain article, nous poserons la question de savoir ce qu’ est dès lors l’ autorité en cette matière. Mais notons d’ abord, dans la continuité de nos précédents articles consacrés à ce sujet que :
Le consentement des États est l’un des piliers les plus fondamentaux du droit international.
Dans le système international, les États sont des entités souveraines, ce qui signifie qu’aucun pouvoir supérieur ne peut leur imposer sa volonté. Par conséquent, le droit international repose sur le principe que les États ne sont liés que par les règles auxquelles ils ont consenti. Ce consentement prend généralement la forme de traités ou de conventions internationales. Un traité est un accord formel entre les États et est régi par le droit international. Pour qu’un traité entre en vigueur, les États doivent le signer, puis le ratifier, ce qui implique généralement l’approbation de leur gouvernement ou de leur parlement national. Une fois qu’un État a ratifié un traité, il est légalement obligé de respecter les règles énoncées dans ce traité.
La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, par exemple, a été signée et ratifiée par plus de 160 États. Par conséquent, les règles énoncées dans cette convention, comme les droits des États sur leur plateau continental et leur zone économique exclusive, ont une forte légitimité et sont généralement respectées par les États. Il convient cependant de noter que même si un État a signé un traité, cela ne signifie pas nécessairement qu’il l’a ratifié ou qu’il respecte les obligations du traité. Certains États peuvent signer un traité pour signifier leur approbation générale, mais ne pas le ratifier pour diverses raisons politiques ou juridiques. De plus, même si un État a ratifié un traité, il peut choisir de ne pas respecter ses obligations, bien que cela puisse entraîner des conséquences juridiques et politiques.
L’efficacité du droit international repose également sur le principe de la coutume internationale : voilà le deuxième pilier.
La coutume internationale est définie par deux éléments principaux : la pratique générale et constante des États (l’élément objectif) et la conviction que cette pratique est juridiquement obligatoire (l’élément subjectif, également connu sous le nom d’opinio juris).
La coutume internationale émerge de pratiques répétées par un grand nombre d’États sur une période de temps considérable. Ces pratiques sont généralement reconnues comme étant juridiquement obligatoires. Par exemple, l’immunité diplomatique, qui empêche les diplomates d’être poursuivis par l’État hôte, est une règle de droit international coutumier bien établie. Les coutumes internationales ont une grande importance dans le droit international car elles peuvent exister indépendamment des traités. Même si un État n’a pas signé ou ratifié un traité particulier, il peut toujours être lié par des règles de droit international coutumier. De plus, le droit international coutumier peut combler les lacunes laissées par les traités internationaux. Notons tout de même que l’identification et l’application du droit international coutumier peuvent parfois être difficiles. La détermination de ce qui constitue une « pratique générale et constante » peut varier en fonction des circonstances et des interprétations. De plus, il peut être difficile de démontrer l’existence d’une opinio juris, c’est-à-dire la conviction qu’une pratique est juridiquement obligatoire. Il convient également de noter que même si le droit international coutumier a une force juridique, son efficacité dépend en fin de compte de la volonté des États de respecter et d’appliquer ces normes.
Le troisième pilier de la légitimité du droit international réside dans la capacité des traités et accords internationaux à créer des règles de conduite auxquelles les États acceptent d’adhérer.
Le processus de création de ces traités et accords implique un engagement volontaire de la part des États, qui doivent signer et ratifier ces textes pour qu’ils entrent en vigueur. Ce consentement exprimé confère à ces textes juridiques une force contraignante.
Dans le cadre de ce processus, les États se mettent d’accord sur un ensemble de règles communes visant à régir leurs interactions. Ils conviennent également des mécanismes de règlement des différends pour résoudre les désaccords qui pourraient survenir en raison de l’interprétation ou de l’application de ces règles. Ces traités et accords couvrent un large éventail de domaines, allant du droit de la mer au commerce international, en passant par les droits de l’homme.
Il est de nouveau important de souligner que la légitimité des traités et accords internationaux dépend largement de la volonté et de la capacité des États à respecter leurs engagements. Dans la pratique, toutefois, le respect des traités et accords internationaux peut être inégal et leur application peut être entravée par des facteurs tels que le manque de volonté politique, les conflits d’intérêts ou l’incapacité à mettre en œuvre efficacement les obligations convenues. Néanmoins, le principe du pacta sunt servanda (les accords doivent être respectés) est une norme fondamentale du droit international. Il établit l’attente que les États respecteront de bonne foi les engagements qu’ils ont pris dans le cadre des traités et accords internationaux, renforçant ainsi la légitimité et l’efficacité du droit international.
Le quatrième pilier de la légitimité du droit international est l’existence d’institutions internationales qui supervisent son application et son respect.
Ces institutions jouent un rôle clé dans la création, l’interprétation et l’application des normes juridiques internationales, contribuant ainsi à leur légitimité.
Ces organisations internationales, comme les Nations Unies, la Cour internationale de justice, l’Organisation mondiale du commerce, ou la Cour pénale internationale, pour n’en citer que quelques-unes, ont des mandats spécifiques pour surveiller et appliquer différents aspects du droit international.
Par exemple, la Cour internationale de Justice, qui est le principal organe judiciaire des Nations Unies, a le pouvoir de trancher les différends juridiques entre les États membres des Nations Unies. De même, l’Organisation mondiale du commerce dispose d’un mécanisme de règlement des différends pour résoudre les conflits commerciaux entre ses États membres. Ces institutions ont le pouvoir de formuler des interprétations autoritaires du droit international, contribuant ainsi à sa clarté, sa cohérence et sa prévisibilité. Ces interprétations peuvent aider à résoudre les ambiguïtés et à combler les lacunes dans les traités et les accords internationaux. Mais, de nouveau, la légitimité et l’efficacité de ces institutions dépendent en grande partie de la volonté des États à les soutenir et à respecter leurs décisions. Bien qu’elles aient le pouvoir d’émettre des jugements et des décisions, ces institutions comptent généralement sur la coopération des États pour appliquer leurs décisions. Malgré ces défis, la présence de ces institutions internationales renforce la légitimité du droit international en fournissant des mécanismes pour la résolution pacifique des différends et l’application des normes juridiques internationales.
Le cinquième pilier de la légitimité du droit international repose sur les valeurs éthiques universelles.
En effet, le droit international est souvent légitimé par la référence à des principes éthiques et moraux universels tels que les droits de l’homme, la paix, la justice et l’égalité. Ces valeurs sont fondamentales pour le droit international et sont souvent inscrites dans les chartes, les traités et les conventions internationales.
Si l’ on veut prendre un exemple de ce point précis, nous constatons aisément que la Charte des Nations Unies, qui est le traité fondateur de l’ONU, énonce clairement dans son préambule que l’objectif principal de l’ONU est de « préserver les générations futures du fléau de la guerre » et de « réaffirmer la foi dans les droits fondamentaux de l’homme ». De même, la Déclaration universelle des droits de l’homme, adoptée par l’Assemblée générale de l’ONU en 1948, établit un cadre universel pour les droits de l’homme qui a profondément influencé le développement du droit international dans ce domaine. Ces valeurs éthiques « universelles » sont un moyen important de légitimer le droit international. En adhérant à ces valeurs, les États reconnaissent non seulement l’importance de ces principes, mais s’engagent également à respecter et à promouvoir ces valeurs dans leurs relations internationales. Cela contribue à renforcer la légitimité du droit international car ces valeurs sont largement reconnues et respectées par la communauté internationale.
Il est important de noter que l’application et l’interprétation de ces valeurs éthiques universelles peuvent varier d’un État à l’autre en fonction de leurs contextes culturels, politiques et sociaux spécifiques : la réalisation de ces valeurs éthiques peut parfois entrer en conflit avec d’autres principes du droit international, tels que la souveraineté des États. Néanmoins, l’existence de ces valeurs éthiques universelles joue un rôle crucial dans la légitimation du droit international.

Comment dès lors conclure ce propos sinon en constatant que malgré les efforts pour légitimer le droit international par le biais du consentement des États, de la coutume internationale, du rôle des organisations internationales, de la jurisprudence des tribunaux internationaux et des valeurs éthiques universelles, l’autorité du droit international reste sur un terrain incertain.
La nature interétatique du système international souligne l’importance de la souveraineté nationale, qui peut parfois entrer en conflit avec les normes internationales. Les États sont souvent réticents à céder une part de leur souveraineté à des institutions internationales, et ce, même lorsque ces institutions sont censées promouvoir la paix, la justice et le respect des droits humains. De plus, l’absence d’un véritable pouvoir exécutif international pose un problème crucial pour l’autorité du droit international. Même lorsque les tribunaux internationaux rendent des jugements, il n’existe pas de mécanisme international efficace pour garantir leur exécution. Les États peuvent et, dans certains cas, refusent de se conformer à ces jugements sans craindre de graves conséquences.
La légitimité des valeurs éthiques universelles est contestée par ceux qui perçoivent ces valeurs comme étant principalement occidentales et donc imposées au reste du monde. Cette perception menace l’universalité de ces valeurs et, par conséquent, l’autorité du droit international qui s’en inspire.
Pour terminer soulignons que la mise en œuvre du droit international est souvent entravée par les disparités de pouvoir entre les États. Les grandes puissances ont souvent une influence démesurée sur la création et l’application du droit international, ce qui peut créer une perception d’injustice et miner davantage la légitimité du droit international.
Ces défis, pris ensemble, démontrent la fragilité de l’autorité du droit international. Ceci renvoie à des question qui, étonnamment sont, selon moi, métaphysique. Nous y viendrons dans notre prochain article au sein de cette rubrique.