fb_pixel

Qu’est-ce que l’ âme pour le philosophe grec antique Aristote ?

Qu'est-ce que l' âme pour le philosophe grec antique Aristote ?

Le concept de l’âme a toujours été un défi pour les penseurs, de l’aube de la civilisation jusqu’à nos jours. L’âme, insaisissable et mystérieuse, semble échapper à la compréhension complète malgré les efforts conceptuels de la philosophie, de la religion et, plus récemment, de la psychologie. L’un des philosophes grecs les plus marquants de l’Antiquité, Aristote (-384 à -322), ne fait pas exception à ce défi car il a courageusement plongé dans la question de l’âme avec une honnêteté intellectuelle inébranlable, reconnaissant à la fois son ignorance et sa curiosité profonde.

« De Anima », ou « Sur l’âme » en français, est l’un des traités fondamentaux de notre philosophe antique, dans lequel il cherche à définir et comprendre la nature de l’âme et son rôle dans le monde vivant. S’appuyant sur la biologie, la philosophie et la psychologie de son époque, Aristote propose une vision de l’âme comme la forme ou l’essence qui donne vie et mouvement à un corps organisé, tout en faisant la distinction entre différents types d’âmes – nutritive, sensitive, et intellective – correspondant à différents degrés de vie et de conscience. Le traité « De Anima » est un exemple clé de l’approche philosophique rigoureuse et empirique d’Aristote et continue d’avoir une influence majeure sur les débats philosophiques et théologiques sur l’âme et la vie.

Dans son exploration de l’âme, Aristote commence par une certitude : l’âme existe. Pour lui, chaque élément de la nature est guidé par un principe spécifique, une idée qui rejoint son célèbre adage « la nature ne fait rien en vain ». La vie, dans sa forme manifeste, ne peut exister sans une force vitale, un souffle, qu’Aristote identifie comme l’âme. Cette existence de l’âme ne découle pas seulement d’une croyance intuitive, mais aussi d’un raisonnement logique. La diversité des formes de vie, avec leurs espèces distinctes et leurs organisations individuelles, témoigne de la présence d’une force unificatrice et différenciante. De plus, la capacité de ressentir, d’imaginer et de penser exige une entité qui rend ces fonctions possibles et les coordonne au sein de l’être vivant. Ainsi, pour toutes ces raisons, et d’autres encore, Aristote affirme l’existence de l’âme. Cependant, alors qu’Aristote confirme l’existence de l’âme, il demeure perplexe quant à sa nature véritable. Même lorsqu’il propose une « définition » de l’âme, il met en garde contre une compréhension littérale, suggérant une complexité qui va au-delà d’une simple formulation.

Une caractéristique significative du travail d’Aristote sur l’âme réside dans sa profonde exploration des théories de ses prédécesseurs. Cette doxographie, ou étude des opinions des autres philosophes, enrichit considérablement notre compréhension de l’âme dans la philosophie présocratique. Aristote n’hésite pas à réfuter certaines théories tout en préparant le terrain pour sa propre « définition » de l’âme.

Ainsi, Aristote propose une double définition de l’âme et de la vie. D’une part, il considère la vie comme « la propriété de soi-même se nourrir, croître et dépérir ». D’autre part, l’âme est définie comme la « substance comme forme d’un corps naturel qui a potentiellement la vie ». En d’autres termes, l’âme est l’essence qui anime un corps organisé, lui donnant la capacité de vivre et d’évoluer de manière autonome. Fusionner ces deux définitions donne une perspective étonnamment riche et complexe sur ce qu’est l’âme. Selon Aristote, l’âme est la forme d’un corps organisé, capable de se nourrir, de croître et de dépérir de lui-même. Il est crucial de noter qu’Aristote considère la possibilité d’auto-alimentation, de croissance et de dépérissement comme des attributs fondamentaux de l’âme, ce qui implique une autonomie intrinsèque à l’âme. Cette définition n’est pas linéaire mais complexe et nuancée. Elle souligne la multiplicité des interprétations possibles de l’âme. Selon les termes de sa définition, l’âme peut être considérée comme une forme, un corps organisé, une entité autonome, une force vitale ou une entité qui nourrit, croît et dépérit.

Au-delà de la pensée d’Aristote, cette exploration de l’âme nous conduit vers des questions toujours non résolues. Comment les êtres vivants arrivent-ils à ressentir, à imaginer et à penser? Qu’est-ce qui rend ces fonctions possibles et les coordonne? Si l’âme est cette force, comment interagit-elle avec le corps et l’esprit? Ce sont là des questions énigmatiques qui continuent de défier notre compréhension, malgré les avancées de la science et de la philosophie.

Pour Aristote, l’ âme est-elle immortelle ?

Au cœur des débats philosophiques depuis l’antiquité jusqu’à nos jours, la question de la survivance de l’âme après la mort est un sujet qui n’a pas manqué d’intéresser Aristote. Dans son ouvrage majeur « De Anima », il esquisse une conception de l’âme qui, bien qu’elle ne soutienne pas explicitement l’idée d’une survivance post-mortem, laisse la porte ouverte à une possible immortalité de l’intellect, ce qui soulève un intéressant paradoxe.

Nous avons vu que le point de départ de la philosophie aristotélicienne de l’âme est sa définition de celle-ci comme la forme ou l’essence d’un corps vivant qui a le potentiel de vie. Cette conception intégrale de l’âme et du corps, perçus non comme deux entités séparées, mais comme deux aspects inséparables d’un même être, est radicalement différente de celle de son maître Platon, qui voit l’âme comme une entité immortelle prisonnière du corps. Dans ce paysage intégré de l’âme et du corps, Aristote évoque une possible exception: le « nous », ou l’intellect. Bien que faisant partie de l’âme, le « nous », dans certains passages de « De Anima », semble se détacher du lien inhérent à la matière et s’approche de quelque chose d’immortel et d’éternel. Ce concept a ébranlé la compréhension d’Aristote sur l’âme, et suggère une possible ouverture à une forme d’immortalité.

Cependant, cette notion d’immortalité reste obscure et est sujette à de nombreux débats parmi les chercheurs. Certains voient dans le « nous » un lien avec le monde des idées de Platon, tandis que d’autres y voient une preuve de la pensée d’Aristote sur la primauté de l’intellect dans l’activité humaine. Le traitement de la question de l’immortalité de l’âme par Aristote offre un regard fascinant sur le penseur pragmatique et empirique qu’il était. Il nous laisse un paradoxe qui défie l’interprétation et incite à une exploration plus approfondie de ses idées, un paradoxe qui continue à captiver les philosophes, les théologiens et les chercheurs à ce jour.

Sources bibliographiques :

Aristote, « De Anima », traduit par J. A. Smith, Oxford: Clarendon Press, 1931.

Ackrill, J. L., « Aristotle on Eudaimonia, » in Essays on Aristotle’s Ethics, Amélie Oksenberg Rorty, éd., University of California Press, 1980.

Partager cet article :

Laisser un commentaire