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Saint Augustin : de la Cité de Dieu à celle des hommes.

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Dès les premières lignes de cet article, il est essentiel de mentionner la stature imposante de Saint Augustin. Une figure de proue du christianisme, dont l’empreinte théologique et philosophique est profondément ancrée dans la conscience collective occidentale. Mais ce qui est moins connu est la portée politique de la pensée de Saint Augustin qui offre une vision profonde et provocatrice du pouvoir, de la société et de la responsabilité morale.

Augustin d’Hippone, de son vrai nom, a vécu dans une période de transition tumultueuse. La chute de l’Empire romain d’Occident était à l’horizon et la question de la nature du pouvoir et de l’autorité était plus pertinente que jamais. Dans ce contexte, Saint Augustin a proposé une vision politique fondée sur sa compréhension de la foi chrétienne, une vision qui résonne encore dans notre monde contemporain. Le cœur de la pensée politique de Saint Augustin repose sur une distinction entre deux cités : la Cité de Dieu et la cité terrestre. Il a façonné une conception du pouvoir et de l’autorité qui, bien que profondément enracinée dans la spiritualité, n’en avait pas moins un impact concret et profond sur la manière dont les dirigeants, qu’ils soient religieux ou laïques, pouvaient et devaient exercer leur autorité. La pensée politique de Saint Augustin a eu un impact significatif sur le développement de la philosophie politique occidentale mais elle a également été l’objet de nombreuses critiques et débats. Néanmoins, il reste une figure de référence en matière de pensée politique chrétienne. Son héritage est riche et complexe, offrant un cadre pour la réflexion sur des questions de pouvoir, de moralité et de responsabilité qui sont aussi pertinentes aujourd’hui qu’elles l’étaient à son époque.

Saint Augustin est l’une des figures les plus influentes du christianisme occidental. Né le 13 novembre 354, à Thagaste (aujourd’hui Souk Ahras, en Algérie), il a joué un rôle majeur en tant que penseur, théologien, et évêque dans l’évolution de l’Église chrétienne. Né dans une famille modeste, son père, Patricius, était un païen qui s’est converti au christianisme sur son lit de mort, et sa mère, Monica, était une chrétienne dévote. Très tôt, Augustin se montra brillant dans ses études et fut envoyé à Carthage pour étudier la rhétorique. C’est là qu’il entra en contact avec le manichéisme, une religion dualiste qui l’attira pendant près d’une décennie. En 383, Augustin se rendit à Rome pour enseigner la rhétorique. Un an plus tard, il déménagea à Milan pour occuper une position similaire. C’est à Milan qu’il rencontra l’évêque Ambroise, dont les sermons l’influencèrent profondément. Augustin se convertit finalement au christianisme en 386, après une intense période de réflexion et de crise spirituelle. Il fut baptisé par Ambroise lors de la Pâques 387.

En 391, Augustin fut ordonné prêtre à Hippone (aujourd’hui Annaba, en Algérie), et en 395, il en devint l’évêque. À partir de ce moment, il consacra le reste de sa vie à l’administration de son diocèse et à l’écriture de traités théologiques. Il est l’auteur de nombreux ouvrages, dont les plus célèbres sont « Les Confessions », une autobiographie spirituelle, et « La Cité de Dieu ». Sa pensée a exercé une influence considérable sur le développement de la théologie chrétienne en particulier sur les doctrines de la grâce et du péché originel. Il mourut le 28 août 430, alors que la ville d’Hippone était assiégée par les Vandales. Il fut déclaré docteur de l’Église par le pape Boniface VIII en 1298 et reste l’un des penseurs les plus importants et influents de l’histoire du christianisme.

Plongeons plus profondément dans l’idée centrale de la pensée politique de Saint Augustin : la distinction entre la Cité de Dieu et la cité terrestre. C’est un concept qui, bien que théologique à première vue, a des implications majeures pour notre compréhension de la politique et du pouvoir.

Selon Saint Augustin, la Cité de Dieu et la cité terrestre représentent deux ordres d’existence, deux manières de vivre et de comprendre le monde. La Cité de Dieu, centrée sur l’amour de Dieu, représente l’ordre divin, spirituel et éternel. À l’inverse, la cité terrestre, basée sur l’amour de soi, symbolise l’ordre humain, matériel et éphémère. Mais que signifie cette distinction pour la politique ? Pour Saint Augustin, elle offre une critique fondamentale des prétentions du pouvoir terrestre. Les dirigeants, les institutions, les lois – tous appartiennent à la cité terrestre. Cela signifie qu’ils sont limités, imparfaits et soumis au péché. Le pouvoir terrestre ne peut jamais atteindre la perfection de la Cité de Dieu.

De ce fait, Saint Augustin met en garde contre la tentation de sacraliser le pouvoir politique ou de le considérer comme un moyen d’atteindre la perfection terrestre. Les dirigeants et les citoyens doivent se rappeler que la cité terrestre n’est pas une fin en soi, mais un moyen de naviguer dans ce monde en attendant la Cité de Dieu. Ce concept, malgré son ancienneté, offre une perspective pertinente pour notre époque. Dans un monde où les promesses de progrès politique et social sont souvent présentées comme des solutions ultimes, la pensée de Saint Augustin nous rappelle l’humilité et la retenue. C’est un rappel que le pouvoir, même lorsqu’il est exercé pour de bonnes intentions, a ses limites.

Augustin reste une figure clé dans l’évolution de la pensée politique occidentale. Son travail continue d’être une source d’inspiration et d’interrogation pour les philosophes, les théologiens et les politiciens. Son idée de la Cité de Dieu, juxtaposée à la cité terrestre, est encore largement utilisée pour éclairer le débat sur la relation entre la religion et la politique, le spirituel et le séculier. Sa notion selon laquelle tous les régimes politiques sont fondamentalement imparfaits a contribué à modeler une vision réaliste de la politique, atténuant l’enthousiasme pour les utopies politiques. C’est une idée qui résonne particulièrement dans notre époque cynique, où la défiance envers le pouvoir politique est élevée. Sa conception de la paix, qu’il définit comme l’ordre et la tranquillité de l’ordre, a des implications directes pour notre compréhension de la justice et de la guerre juste.

L’un des principaux défis de la pensée politique d’ Augustin réside dans son dualisme entre la Cité de Dieu et la cité terrestre. À une époque où les notions de laïcité et de pluralisme sont de plus en plus valorisées, comment peut-on réconcilier la vision dualiste d’Augustin avec une politique qui accorde une place égale à toutes les croyances et à tous les modes de vie ? Comment peut-on respecter la diversité des convictions dans une perspective augustinienne ? Un autre questionnement concerne l’interprétation des idées d’Augustin sur le péché et la grâce. Si tous les hommes sont pécheurs et que seule la grâce divine peut nous sauver, quelle place reste-t-il à l’action politique et sociale pour améliorer le monde ? La vision qu’ a Augustin de l’humanité pécheresse pourrait-elle conduire à un fatalisme politique où l’on se contenterait d’accepter les injustices comme une conséquence inévitable de la nature humaine ? Ces question très vastes nous permettent de prolonger individuellement nos méditations au sujet de l’ oeuvre de cet homme qui marqua le passage entre la chute de l’ Empire Romain et la période médiévale.

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