
En cette époque troublée que nous traversons avec peine, il serait bon de rappeler aux puissants de ce monde ce pour quoi ils sont faits et ordonnés : pour le bien commun, le bien de tous, le bien de la société.
Mais, tout d’abord, il est essentiel de réaffirmer avec vigueur que la gloire du monde passe, que tout ce qui subsiste ici est éphémère, que rien ne dure, que l’un s’en vient tandis que l’autre s’en va, que celui qui était applaudi hier sera peut-être déconsidéré demain et certainement oublié dans un futur proche ou lointain.
Qu’est-ce que le bien commun ? C’est la finalité de la société.
L’homme vit naturellement en société et ce fait est l’effet de sa nature. Vivre en société, c’est agir. Or l’acte d’agir en société est par définition un acte politique et, par conséquent, une question cruciale se pose : dans quel but faut-il agir ? Quelle sera la finalité de notre agir dans la Cité ? Pourquoi vivons nous ensemble et dans quel but vivons-nous ensemble ? La seule réponse à ces questions est toujours la même : tout cela est orienté vers le bien commun.
En effet, l’homme ne peut vivre seul car il est être de langage et tout langage suppose un émetteur et un récepteur. De même, l’homme ne peut, seul, subvenir aux besoins qu’il ne sait combler lui-même. On ne peut vivre longtemps seul : l’homme ne peut vivre et bien vivre sans le secours de la société. Il est donc parfaitement évident qu’un gouvernement qui viendrait à défaire les liens naturels existant parmi ses gouvernés serait un gouvernement contre nature. Un gouvernement doit permettre à ses citoyens de vivre et surtout de bien vivre : c’est à dire de vivre dans la plénitude de leur nature d’êtres humains. Et l’être humain ne peut en aucune manière bien vivre s’il n’est pas en société. Couper l’homme de ses liens sociaux est donc contre nature et un gouvernement qui procéderait à une telle infamie serait en contradiction flagrante avec sa finalité première.
Nous avons besoin de vivre en société non seulement pour acquérir les biens matériels nécessaires à notre vie corporelle mais encore pour jouir des biens culturels nécessaires à notre épanouissement intellectuel. Une société qui ne peut fournir ces deux types de biens à ses citoyens est dès lors une société contre nature : une dis-société.
La société contient donc le bonheur de l’homme et se doit de lui fournir : voilà le seul bien commun. Et le bien commun est bien et commun : il est bien parce qu’il est de l’ordre du bonheur qui est ce que tout le monde désire et il est commun parce que tous y tendent. Le programme de tout pouvoir devrait donc être d’apporter à chaque citoyen son perfectionnement dans la jouissance du bien commun. Il n’y a pas d’autre politique. Tout ce qui serait contraire à cet universel principe verserait facilement dans la débilité.
De surcroît, un gouvernement n’est pas le tout d’une société et ne peut donc vivre en ne faisant référence qu’à lui-même. Comme partie de la société, il se doit de concourir au bien des autres parties, soit des gouvernés. Car le bonheur d’un gouvernement est de voir le bonheur de ses gouvernés. Ce qui fait la joie d’un gouvernement n’est pas sa propre perfection interne mais la joie de ses gouvernés. Voilà la seule finalité d’un gouvernement. Car le bien commun n’est pas la propriété du pouvoir en place ni de l’Etat car, s’il l’était, il ne serait plus, par définition, commun ! Il serait propre aux gouvernants et les gouvernés ne pourraient pas en jouir. Ce qui aurait pour effet d’éloigner les gouvernés des gouvernants et de causer par là l’anarchie sociale qui est un mal en soi.
Nous avons vu que le bien commun est ce qui est recherché par tous en tant qu’ils appartiennent à la même entité qui est la société. On peut en conclure qu’un gouvernement est dès lors soumis à une norme qui le dépasse car il n’est lui-même que la partie d’un tout. Et, en toute logique, la norme qui dépasse un gouvernement n’est pas un autre gouvernement et encore moins un bien matériel car un bien matériel n’est lui-même qu’une partie d’un tout. Donc, par exemple, l’argent ne peut être la norme d’un gouvernement car l’argent est un bien matériel. Or, si la norme d’un gouvernement n’est ni un gouvernement, ni toute forme d’objet matériel, alors cette norme doit être immatérielle.
En effet, seuls des intangibles peuvent gouverner un gouvernement. On en déduit aisément qu’un pouvoir qui n’a pour norme que la raison économique est un pouvoir dont les idées directrices sont devenues folles. Je vous laisse apprécier cette conclusion à l’aune des temps présents.